Teniet-el-haad

LA FORET DES CEDRES

Par Michèle

Sur ce versant montagnard ivre de soleil, face au sud, dans une cascade de cailloux blancs où toute terre semble absente, le Cèdre, cet étranger de la mémoire des hommes, se faufile, s'introduit, s'immisce, s'intègre et colonise l'espace avec désinvolture.

Et l'aventure devient extraordinaire avec la cédraie la plus grande qui se prélasse avec vigueur sur les pentes ensoleillées. Le cèdre  est le  prince du soleil, l’ombre ne lui convient pas.

Quand le groupe d’amis algériens et nous-mêmes au détour de la route forestière menant au sommet, nous  retournons dans la vieille cédraie, nous nous arrêtons  éblouis, muets d’étonnement. Plongés dans un autre monde, enchanté, plein d'antiques légendes.

Devant un très grand  Cèdre majestueux, au tronc tortueux ? par cet après-midi qui se termine,  le bleu argenté de ses aiguilles en bouquets,  pare le décor d'une lumière irréelle.

Nous restons là toutes les 3  pour une fois sans rire et sans parler, nous sentons l’air imprégné de  sa puissante odeur balsamique et nous unissons nos cœurs à cette magnifique foret.

Visite de la Forêt des Cèdres 2013

Par Danielle

J’ai été contente de revoir mon cher village natal après cinquante ans, mais je dois avouer que les rues m’ont paru étroites, la grand place centrale  m’a semblé minuscule,  les façades sont ternies, délavées et transformées,  l’aspect général et le découpage des rues m’a paru si différent du village tel que je le conservais enfoui dans ma mémoire…. !!

Par contre, la visite de la forêt des cèdres a été un enchantement car la nature reste éternellement belle et immuable. Même si certains arbres sont mors, ils ont été remplacés par d’autres cèdres aussi vivants et majestueux, et j’ai été pénétrée du même ravissement en revoyant les mêmes paysages, en sentant les mêmes odeurs de résine, de mousse, de fleurs et autres senteurs familières composant la flore de notre forêt, en entendant le même bruissement des feuilles, le même craquement des aiguilles de pins et en entendant le même doux pépiement des oiseaux.  Oui, je me suis retrouvée dans le même environnement que j’ai connu il y soixante ans avec les mêmes images, parfums, souvenirs qui ont empli les yeux, les narines, les oreilles, la tête de la petite enfant que j’étais il y a soixante ans.

Et pendant un moment, au milieu de la grande clairière, autour du lac que nous avons admiré, merveilleusement recouvert de fleurs et qui résonnait du cri des grenouilles, tous les souvenirs des grands pique-niques partagés par les nombreuses familles de Téniet sont remontés en ma mémoire : j’ai cru revoir tout le village de Téniet, comme au moment de Pâques ou de Pentecôte, lorsque les familles allaient pique-niquer sur l’herbe du sous-bois pour déguster, notamment, la traditionnelle « mouna », dans l’accueillante forêt des cèdres.

Voilà, cette forêt des cèdres, nous les enfants de Téniet, nous l’avons tous parcourue, aimée, plantée, soignée, respirée, animée de notre travail, nos rires et nos loisirs. Nous y avons vu nos parents, grands-parents et amis y travailler, s’y distraire, s’y aimer, s’y promener et même y mourir (tel Marc Esposito qui a laissé son souvenir dans le lieu-dit « le tournant de la mort » avec sa moto accidentée, un certain jour de Pâques).

Alors, je veux aujourd’hui dire que ce voyage à Téniet en 2013, j’ai voulu le faire aussi et principalement pour revoir la « forêt des cèdes » et surtout pour accomplir cette visite de la forêt que mes chers parents et grands-parents auraient tant souhaité refaire au moins une dernière fois, avant de nous quitter définitivement.

En nos cœurs, dans nos souvenirs, cette belle, majestueuse, inoubliable forêt des cèdres est encore et à jamais habitée de nos ombres, de nos pas de notre gaieté et nos rires, et elle sera toujours marquée de notre souvenir et de notre présence.

Se retrouver en son espace, c’est aussi remonter le temps comme pour nous retrouver nous-mêmes ainsi que tous nos êtres chers, maintenant disparus.