LE ROMAN DU CÈDRE
M. COINTAT
« Pareil au Cèdre, il
cachait dans les cieux
Son front audacieux »
(Racine . Esther)
Dans notre pays, l'histoire du
Cèdre ressemble à un roman. Et l'aventure devient extraordinaire avec la cédraie
la plus grande qui se prélasse avec vigueur sur les pentes ensoleillées du Mont
Ventoux.
Cette saga, qui se poursuit
depuis plus de deux siècles, auréolée de mystères, de rumeurs, de controverses,
mérite d'être contée. Et ce d'autant plus qu'aujourd'hui, le Cèdre de l'Atlas,
pendant trop longtemps, le « mal aimé » de la poésie forestière, est
devenu un prince du soleil. Quand le promeneur, au détour de la route
forestière menant au sommet du Ventoux, se retourne dans la vieille cédraie de
1862, il s'arrête ébloui, muet d'étonnement. Il est plongé dans un autre monde,
enchanté, plein d'antiques légendes. Il rêve brusquement que Lancelot du Lac ou
Perceval va surgir de derrière un Cèdre majestueux, sur un destrier blanc,
accompagnant un Saint-Graal rayonnant de lumière. Le soleil a perdu de sa force.
Une brise de fraîcheur fait oublier l'été et le bleu argenté des aiguilles en
bouquets pare le décor d'une lumière irréelle (1).
Sur ce versant montagnard ivre de
soleil, face au sud, dans une cascade de cailloux blancs où toute terre semble
absente, le Cèdre, cet étranger de la mémoire des hommes, se faufile,
s'introduit, s'immisce, s'intègre et colonise l'espace avec désinvolture.
Même au béotien qui passe trop
vite, le Cèdre apparaît comme une essence miracle.
LE DÉCOR : FAITS, DIRES ET IDÉES
REÇUES
« Tous les pays
qui n'ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid »
(Patrice de
Le Mont Ventoux, grand seigneur
de Provence
Chaque matin, le Ventoux dicte
aux paysans de la vallée du Rhône, respectueux de sa puissance, le temps de la
journée.
(1) Les exploitations de 1995 ont
légèrement modifié le paysage, mais ce ne sera que temporaire.
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M. COINTAT
Mais depuis le jour du 1er
janvier 1250 où le seigneur des Baux donna à la communauté de Bédoin la liberté
et l'entière possession de la montagne, les habitants, par insouciance,
dilapidèrent leur héritage. Les paysages sont ruinés par les coupes abusives,
Dès le XVIe siècle,
les États du Comtat Venaissin lancent un cri d'alarme devant une telle misère, mais
en vain.
Au début du XIXe siècle, le
Ventoux, grand seigneur blessé, offre le désolant spectacle d'un empereur déchu,
complètement chauve. C'est alors que commence une longue croisade pour rétablir
l'ambiance perdue de la « sylve primitive ».
Une révolution devenait
indispensable dans ce vaste pierrier stérile chauffé par un soleil trop ardent,
régulièrement ravagé par des « vidourlades » d'une violence
incroyable et balayé par un mistral si puissant que les
quelques arbres qui subsistaient étaient « penchés vers le sud dans une fuite
éternelle ».
(A . Daudet).
L'énigmatique Tichadou
Les auteurs sont convaincus que
l'inventeur des Cèdres est l'inspecteur des Eaux et Forêts Tichadou agent plein
de zèle et d'entrain (Revue des Eaux et Forêts, 1862).
Depuis 1898, date de la visite de
l'École forestière (promotion de Philibert Guinier) dans la jeune cédraie du
Vaucluse, les forestiers ont appris ou ont entendu dire que Tichadou avait
travaillé en Algérie et qu'il en avait rapporté la nostalgie des Cèdres de
l'Atlas. En 1860, il aurait fait venir d'Afrique, de sa propre initiative, un
lot de cônes destinés au Ventoux. À la suite de cette incartade, il aurait même
été l'objet d'une mutation disciplinaire, ce qui justifierait l'abandon des
semis de Cèdres à partir de 1865.
La controverse a duré longtemps. Pour
réhabiliter la mémoire de ce forestier en avance sur son temps, il a été décidé
de graver le nom de Tichadou dans la pierre sur les pentes de la montagne.
Le 22 juin 1955, les
congressistes de
L'inscription est la suivante :
M.
Tichadou
Inspecteur
des Eaux & Forêts d'Avignon
a commencé
le reboisement de cette forêt
et
introduit les premiers Cèdres en 1862
avec
l'appui éclairé de M. J. Eymard maire de Bédoin,
M.
Labussière étant conservateur à Aix-en-Provence
La présence du directeur
Philibert Guinier, grand maître de la foresterie française, donnait encore un caractère
plus officiel et plus solennel à la cérémonie.
En revanche, aucun auteur ne
donne de précision sur la carrière de Tichadou.
Qui est donc ce fameux Tichadou,
amoureux des Cèdres et pratiquement inconnu ?
Comme Victor Hugo, il est né en
1802. François, Victor, Prosper, Antonin Tichadou a vu le jour à 3
heures du matin, le 8 nivôse an XI (28 décembre 1802) à Limoux (Aude). II était
le fils d'un forestier, Martin Tichadou, sous-inspecteur des Forêts dans
l'Aude, marié à une catalane Josèphe-Athanase Delpey-Gauma.
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Le roman du Cèdre
Tichadou (2) entre dans le service
forestier à 25 ans en 1827 comme garde à cheval sédentaire (3) à Toulouse.
Il est nommé garde général en 1832. Il devient sous-inspecteur dans l'Aude en
1836.
Quatre ans plus tard, il est promu
inspecteur à Saint-Gaudens. Il se distingue en faisant rentrer dans le giron de
l'État deux forêts usurpées à
On ne sait rien de plus. Son
dossier de carrière semble avoir disparu. A priori, il n'a jamais été en poste
en Algérie. Fait encore plus troublant, François Tichadou, après 35 ans, 7 mois
et 5 jours de service, est mort le soir du 20 août 1862 à 59 ans, dans son
appartement du 12 rue Saint-Marc à Avignon, c'est-à-dire cinq mois après les
premiers semis de Cèdre sur le Ventoux. Il avait épousé Claire Marentié (4), dont il a
eu un fils qui, au moment du décès, était candidat à l'école forestière. Il a
travaillé à Avignon pendant dix ans (1852-1862), mais il n'a pas pu diriger les
travaux de reboisement qui se sont étalés sur plusieurs années car il est mort
au tout début. Il n'a donc pas pu être muté disciplinaire, sanction qui
n'apparaît nulle part.
Ces précisions indubitables, mais
fragmentaires, suscitent bien des interrogations. Tichadou est-il véritablement
l'introducteur en France du Cèdre de l'Atlas ? Est-il le créateur de la
première cédraie de notre pays ? Quel est son rôle exact dans les reboisements
du Ventoux ?
Tichadou est-il une légende ou
une réalité ?
L'ORIGINE DU CÈDRE EN France
Le Cèdre est l'un des plus beaux
arbres de la nature »
(Baudrillart, 1821)
Cèdre du Liban (Cedrus libani G .
Don)
Le Père Nicole Le Huen, carme
déchaussé, a découvert les Cèdres du Mont Liban en 1487. Le nombre des arbres
vénérables trouvés sur ce mont célèbre divise les voyageurs pendant trois siècles
. Il varie entre 26 et 13, mais les plus sérieux ajoutent qu'il y a beaucoup de
jeunes tout autour, heureusement.
Un Cèdre aurait été planté en
Angleterre vers 1580 par la reine Elisabeth I à Hendon Place, près de Londres .
Il a été abattu par un ouragan le 1er janvier
1779.
Certains prétendent que quelques
Cèdres ont également été ramenés en France au XVIe siècle par
des amateurs de courses lointaines, mais l'oubli a effacé ces dires. Le Cèdre
du Liban était cependant
connu puisque Racine le cite dans
Esther.
Il convient d'attendre l'aventure
de Bernard de Jussieu en 1734 pour que le Cèdre du Liban fasse une entrée
remarquée. Revenant de Londres, le baron botaniste cassa les poteries contenant
les précieux plants et il ne put en ramener que « soi-disant » deux
dans son chapeau. En réalité, ils devaient être au moins quatre :
— le premier a été planté dans le
labyrinthe du Jardin des Plantes où il prospère toujours,
— le second a été offert à
Duhamel du Monceau qui l'a installé en face de son château de Vrigny
(Loiret) près de Pithiviers (5),
— un troisième a été planté par
Trudaine à Montigny-Lencoup près de Nangis (Seine-et-Marne).
Celui-ci a été renversé par le
vent en 1935. Il mesurait
(2) En langage d'Oc, Tichadou
signifie "le petit".
(3) Le garde à cheval était au
XIXe siècle un grade intermédiaire entre brigadier et garde général.
(4) Mme veuve Tichadou obtient la
reversion du tiers de la pension dont aurait pu bénéficier son mari (Archives
nationales F .10/1569).
(5) En 1835, le Cèdre mesurait
505
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M. COINTAT
- enfin, le quatrième, haut de
Dès la fin du XVllle siècle, le
Cèdre, magnifique dans son costume d'apparat, s'est propagé comme arbre
d'ornement. Majestueux, énormes, ces spécimens de première génération font
toujours l'admiration des touristes amoureux des jardins.
En 1844, rien que dans les
environs de Paris, on dénombre une quinzaine de parcs où se prélassent trente-deux
imposants Cèdres du Liban de 18 à
Toutefois,
Loiseleur-Deslongchamps, toujours fort précis, signale que le Cèdre Marbeuf aux
ChampsÉlysées est né en 1752, que dans le bois Guillaume près de Rouen trois
sujets remontent à 1744 et qu'à Denain-Villiers (près de Vrigny) un Cèdre date
de 1743.
Le Cèdre de l'Atlas (Cedrus
atlantica Manetti)
Le Cèdre de l'Atlas a été
découvert beaucoup plus tard, en 1826 dans le Rif par Webbs. Il est à l'origine
des peuplements forestiers.
Il passe pour avoir été introduit en 1842, mais il l'a sans doute été
bien avant » (Hickel, 1932). Et pourtant, Loiseleur écrit en 1837 : « Les
botanistes modernes n'ont observé le vrai Cèdre dans aucune partie de l'Afrique
et cet arbre n'existe en Europe que depuis qu'on l'y a apporté à des époques
assez récentes »
La conquête de l'Algérie est
vraisemblablement la cause de cette introduction.
Le massif le plus anciennement
connu est un demi-hectare dans le domaine de
À
Quelques Cèdres auraient été
importés en Sologne vers 1850.
Dans les mêmes années
(1842-1850), une cédraie de faible importance a été installée sur le Puy de
Dôme dans la forêt sectionnale de Champeaux.
Deux évidences sautent aux yeux :
— ces
vieilles cédraies datent toutes de 1840 à 1850,
— et il ne
s'agit que de bosquets ou de peuplements de faibles surfaces.
Les graines viennent d'Algérie,
mais de forêts dites « compactes » suivant l'expression du temps et non
de quelques semenciers isolés comme au Mont Liban.
II ne s'agit que d'essais
d'introduction d'une espèce ou variété inconnue : le Cèdre de l'Atlas, mais dans
le but d'en faire une essence forestière et non, comme son prédécesseur, un
arbre d'ornement.
Quelles sont les raisons de cet
ensemble d'expériences, presque simultanées et poursuivant le même objectif ?
(6) Loiseleur-Deslongchamps
prétend qu'il n'aurait été planté qu'en 1790.
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Le roman du Cèdre
Gabriel-Victor Renou, oubli
malheureux de l'histoire
À cette époque, deux hommes
exceptionnels apportent peut-être la réponse à cette question : le vicomte
Louis Héricart Ferrand de Thury (1776-1852), et l'inspecteur des Eaux et Forêts
Gabriel-Victor Renou (1806-1844).
Héricart de Thury, député et
directeur des travaux de Paris, crée en 1827
En plus du Sophora et du Tilleul
argenté qui feront fortune, on lui indique le Cèdre du Liban pour orner le
centre des squares.
Héricart est sceptique. Il craint
la pollution urbaine. Il cherche un résineux plus rustique (8). Il se passionne
pour les forêts algériennes.
Devenu président de
Le maréchal duc de Dalmatie
répond le 26 janvier 1844 . II donne les renseignements demandés. Il envoie
également des échantillons et conseille de se reporter aux travaux de Renou,
fondateur du service forestier en Algérie depuis 1838 (10)
Héricart émet immédiatement
l'opinion, au vu des branches de Cèdre : « le Cèdre trouvé en Algérie n'est pas le véritable Cèdre du Liban, mais
une variété voisine de cet arbre ».
Depuis quatre ans, le jeune
Victor Renou parcourt avec enthousiasme les forêts de l'Algérie, le plus souvent
dans des conditions difficiles à cause de tribus insoumises. Il reconnaît les
peuplements, estime leur intérêt forestier. Le 24 juin 1842, il signe un
mémoire important, le premier du genre, sur les « Forêts d'Algérie »,
mais il ne décrit que les massifs visités en plaine et dans les basses
montagnes.
L'année suivante, il écrit au
rédacteur en chef des Annales forestières. Dans le massif du Mouzaïa et des
Béni Salah, près de Blida : « Là, nous
avons trouvé le fameux Cèdre du Liban, bien caractérisé et nous étudions avec
soin la marche de sa végétation ». Il signale en outre que le Cèdre
existe aussi dans les monts Riga au sud de Sétif.
Le botaniste Durieu de
Maisonneuve (t1) est alors envoyé en mission à Blida . Il y arrive le 30 mars
1844 et son rapport, lu à l'Académie des Sciences par Bory de Saint Vincent,
est étonnant. À
Poursuivant sa quête, Renou,
inlassable, publie en janvier 1844 une « Notice sur les forêts de Cèdres de
l'Algérie », chef-d'oeuvre d'analyse et d'observation.
(7) Aujourd'hui Société nationale
d'Horticulture de France.
(8) Héricart connaît bien le
Cèdre du Liban . Dans son domaine de Thury-en-Valois (Oise), son père avait planté,
en 1780, la montagne
de St-Martin-le-Pauvre avec des
Cèdres "en assez grand nombre" (Loiseleur, 1837) . C'est peut-être le
seul boqueteau connu
en France de Cèdres du Liban créé
au XVIII° siècle.
(9) Aujourd'hui Académie
d'Agriculture de France.
(10) Le service forestier
algérien a été créé par le maréchal Vallée le 24 juillet 1838.
(11) Il a fait un premier voyage
en Algérie en 1842.
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Rev . For. Fr . XLVIII - 6-1996
M. COINTAT
Il distingue deux sortes de
Cèdres :
-
le "Cèdre vert", fort proche du Cèdre du
Liban,
-
le "Cèdre argenté" (qu'il dénomme Cedrus
argentea) à caractères particuliers : aiguilles plus courtes, cônes plus
petits.
D'après lui, les cédraies en
massifs se rencontrent dans trois régions :
-
la chaîne du Mouzaïa (12) ,
-
le djebel Afgane, près de Sétif,
-
le massif de l'Ouarsenis, au-dessus de
Teniet-al-Haad.
-
Cette étude renferme deux phrases
essentielles :
• «Les Cèdres de l'Atlas
pourraient, sans le secours de moyens extraordinaires de culture, s'acclimater facilement
dans les forêts de France et surtout dans celles de nos départements
méridionaux »
Renou démontre que le Cèdre peut
prospérer au moins jusqu'à la latitude de Paris.
• «Au surplus, ajoute-t-il,
l'expérience en sera prochainement faite car des graines de Cèdre argenté
et de Cèdre vert ont été
récemment apportées en France et réparties dans plusieurs départements".
Victor Renou apparaît donc à la
fois comme le découvreur du Cèdre
algérien et comme le premier introducteur, en 1843, du Cèdre de l'Atlas en
France. Son but n'est pas d'orner les parcs, mais de créer des forêts, «
car, écrit-il, les forêts de l'Algérie sont en état de fournir une assez grande
quantité de graines pour pouvoir repeupler les montagnes de nos départements
méridionaux ».
Les essais, encore visibles,
réalisés entre 1843 et 1845, sont probablement les enfants de Renou.
Les cônes proviennent
vraisemblablement de Mouzaïa (
Ce dernier a également laissé un
manuscrit sur les différentes essences peuplant les forêts algériennes encore
sous domination militaire.
Sa conclusion, sur « cet
arbre historique » qu'est le Cèdre, se révèle prophétique : « Il ne nous
reste qu'à faire des voeux bien sincères pour qu'il soit propagé dans les
forêts de France où il trouvera, sans aucun doute, une nouvelle patrie »
Malheureusement pour la
foresterie, le 29 juin 1844, revenant de visiter les forêts de l'Eydough (13) et
accompagnant le général Randon (14) avec une forte escorte nécessaire dans
cette région troublée, Victor Renou, handicapé par une arthrose du
genou, ne peut maîtriser son cheval emballé. Il se brise
le crâne dans un ravin. Il meurt à 38 ans.
Mais l'affaire est lancée. Les
savants s'emparent du Cèdre de l'Atlas . On ne l'utilise pas encore dans les
pépinières mais, dès 1846,
En 1857, le botaniste Pépin, dans
une controverse assez vive sur le Cèdre du Liban, n'hésite pas à dire : « Le
Cèdre de l'Atlas sera d'un grand avenir pour le reboisement ; il est plus
rustique que le Cèdre du Liban … »
II rejoint l'idée première
d'Héricart de Thury.
(12) Le Cèdre a disparu de la
foret de Mouzaïa (Boudy, 1955).
(13) Région de Bône.
(14) Le général Randon deviendra
maréchal, gouverneur général de l'Algérie, puis ministre de
508
Le roman du Cèdre
Au moment où va commencer
l'aventure du Ventoux (1861-1865), des bouquets de Cèdres, sinon des massifs,
existent déjà dans plusieurs régions françaises et les botanistes poursuivent
leurs discussions
sur le Cedrus
libani et argentea de V. Renou et estiment qu'il ne s'agit que de « sous-variétés
dues à des circonstances locales » (Cosson, 1856).
Gabriel-Victor Renou, jeune
forestier de talent injustement oublié, peut être appelé le père de la cédraie
française . Cette vérité méritait un hommage particulier.
CÈDRE ARGENTÉ
9. Fleurs
mâles ; 10. Branche portant des fleurs femelles ; 11. Jeune cône, huit mois
après la floraison ; 12. Branche du Cèdre argenté, avec quatre cônes à l'état
de maturité
(cette
branche provient des forêts de l'Ouarsenis).
Légende d'après Victor Renou
Annales forestières, tome III,
janvier 1844, extrait de "Notice sur les forêts de Cèdres de
l'Algérie".
509
Rev. For. Fr. XLVIII - 6-1996
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L'ÉPOPÉE DU MONT VENTOUX
Les vents impétueux, sur le
Ventoux dont rien n'arrête la violence, désolent la contrée » (de Ribbe, 1863)
1810-1852 : le maire de Bédoin et
les bergers
Dans le paysage désertique de la
montagne dénudée, traînant le boulet du parasitisme humain, un homme apparaît .
Il s'appelle Eymard . II a été élu maire de Bédoin vers 1810.
Il regarde avec tristesse ce
<, mont que la foudre laboure » (Mistral) et qui tient tête au "Maître
des vents".
Les bois ont été follement coupés
» . Des forêts, il reste « à peine une
apparence » (15 . Sur les
Le Chêne pubescent a disparu.
Dans les creux de la montagne, la culture de la lavande ne rapporte guère .
Tout est désolation.
Le nouveau maire veut arrêter le
désastre : réduire et organiser le pâturage, recréer un affouage suffisant et
un revenu communal par le reboisement. Le père Eymard va se battre pendant
trente-huit ans pour faire revivre le Ventoux.
II sollicite les conseils
d'esprits éclairés. Le botaniste avignonnais Requien se penche sur le problème,
analyse la montagne et invente la "géographie botanique" . Ses
travaux permettront un peu plus tard, en 1838, au professeur Charles Martins de
Montpellier de créer, avec le Ventoux, la notion « d'étages de
végétation ».
Grâce à ces travaux, grâce à sa
ténacité, le maire Eymard obtient, par arrêté du 3 juin 1830, la soumission au
régime forestier de
De 1840 à 1848, il lutte avec son
conseil municipal « pour faire adopter le
principe de l'exclusion progressive des troupeaux et de la mise en réserve,
chaque année, d'une certaine étendue de terrain
pour y faire des reboisements… » (16)
Malheureusement, Eymard père échoue
dans son entreprise. Les conseillers sont tous propriétaires de troupeaux et ne
veulent ni abandonner leurs privilèges, ni porter atteinte à une liberté
obtenue en 1250.
Environ 2.500 moutons fréquentent
les terrains de parcours de Bédoin et la dégradation des pacages et des sols se
poursuit.
1852-1860 : le projet Tichadou
Les montagnes (de Vaucluse)
étaient jadis bien boisées . Elles faisaient la richesse et l'ornement de nos
contrées » (Tichadou, 1856) (17) .
Le vieux maire a abandonné. Il en
est mort.
(15) "Mémoire statistique
sur le département de Vaucluse en 1808".
(16) 1860 : lettre de Eymard fils
au préfet.
(17) Archives Vaucluse
510
Le roman du Cèdre
Pourtant le service forestier
s'active. L'inspecteur d'Avignon, Sébastiane (18) met de l'ordre dans ces ruines
forestières s'étendant du Ventoux au Lubéron . Il aménage, il arpente, borne,
délimite les parcelles, fixe les quarts en réserve et obtient une révolution
normale de 25 ans pour les taillis (19).
Le procès-verbal de
reconnaissance de la forêt communale de Bédoin est établi le 4 juin 1845, par Pierre
Piquemal, sous-inspecteur à Carpentras.
Avec le garde François
Chauvillard, il précise les surfaces exactes et la qualité de la végétation de l'ensemble
des terrains communaux :
Terrains
soumis au régime forestier :
Chênes
blanc et vert
Hêtre
Pin à
crochets
Places
vaines et vagues
Terrains
non soumis au régime forestier :
Hermas* et
rochers à Buis
Chênes
blancs
Total des
terrains communaux
*Hermas : sols incultes
L'aménagement est approuvé par le
ministre des Finances le 14 septembre 1848. Le rapport ajoute avec une pointe
de mélancolie : les « places vaines et
vagues seraient susceptibles d'être reboisées par le moyen de semis, mais nous
ne pensons pas que la commune se décide jamais à faire cette amélioration .
Elle reculera toujours devant la dépense énorme qu'elle occasionnerait et la
privation, pendant un temps, du parcours pour les troupeaux »
Heureusement, l'auteur se
trompait.
En effet, François Tichadou,
allié de poids, arrive en Avignon en 1852 (20). Celui-ci termine d'abord le
règlement des forêts communales de la région commencé par ses prédécesseurs. Il
aménage Buisson, Cadenet et Cabrières-d'Aigues.
Puis il décide de passer au stade
suivant : l'amélioration des peuplements. Les inondations catastrophiques des
années
Tichadou préconise des semis :
d'abord des glands de Chênes blanc et vert, achetés dans le commerce, puis des
graines de Pin sylvestre, Sapin et Épicéa, provenant de la sécherie impériale
de Haguenau, et enfin, pour les parties les plus basses, une centaine de kilos
de graines de Pin d'Alep à prendre à la sécherie d'Aubagne.
(18) Archives nationales F
.10/6916.
(19) Les taillis non soumis
étaient exploités à l'âge de 12 à 20 ans.
(20) Il succède à Poinson qui
passe rapidement a Avignon entre Sébastiane et lui.
(21) Archives Vaucluse
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Rev. For . Fr. XLVIII - 6-1996
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Le financement est simple :
moitié par une taxe de pâturage, moitié par une subvention du Conseil général.
Déjà, le 25 février 1856 (22),
Tichadou avait reçu pour les forêts domaniales, notamment le Lubéron,
Malheureusement, le projet est
trop ambitieux. Les communes renaclent. Il manque une volonté locale.
L'inspecteur se contente de
convaincre quelques propriétaires privés . Vers 1857,
ensemencés avec des glands de
Chêne blanc et l'opération réussit.
Mais, en 1858, Joseph Eymard fils
est à son tour élu maire de Bédoin, et dans la famille Eymard la volonté est
une vertu ancestrale.
Il prend ses fonctions le 22
avril et immédiatement décide de reprendre en main l'oeuvre de son père.
Il fait équipe avec Tichadou . Il
n'est pas douteux, dans cette fantastique affaire de pionnier, que l'aide du
service forestier était nécessaire . Sans appui technique, sans une confiance
réciproque, Joseph Eymard, isolé dans sa mairie, aurait échoué comme son père
dans sa tentative . Sur ce point, le rôle de Tichadou a été considérable.
Dès le 16 mai 1858, le maire
impose à son conseil une double délibération :
-
-
les revenus des pâturages communaux seront
consacrés au reboisement.
Le 20 novembre 1859, il franchit
une étape encore plus révolutionnaire. Il interdit le pacage du 1er avril au
ter novembre sur les terrains non soumis et il demande le reboisement de toute
la montagne.
On peut imaginer les difficultés,
les obstacles que J. Eymard a rencontrés pour faire aboutir son projet :
intrigues, complots, cabales, bagarres, avec les bergers et les chevriers,
maîtres du Ventoux.
Dans le midi, terre du soleil et
du vent, on n'épouse pas facilement la cause forestière.
En 1862, le maire Eymard écrira
au conservateur des Eaux et Forêts d 'Aix-en-Provence : « pour cette cause . . . je me suis créé des ennuis terribles et des
ennemis irrémédiables . . . Faites le bien dans notre pays, vous ne récolterez,
pour toute reconnaissance de vos concitoyens, que l'inimitié des uns et
l'insouciance des autres »
Bédoin devient ainsi une commune
pilote et sera un exemple pour l'ensemble des massifs montagneux du Comtat
Venaissin.
L'idée initiale n'a rien à voir
avec le Cèdre. Il convenait de faire comprendre aux habitants que leur
intérêt immédiat était, tout en
préservant l'alpage ovin et caprin dans les parties supérieures, d'améliorer leurs
droits avec un meilleur affouage, et d'augmenter les revenus communaux grâce à
des coupes de taillis de chênes.
Le Comtat Venaissin manquait
tragiquement de bois et, en plus, le maire voulait stopper la dégradation de la
montagne.
Dans cet esprit, Tichadou établit
le dossier de mise en valeur :
- réintroduction de Chênes
pubescents et éventuellement verts dans les « places vaines et vagues »
entre 600 et
- semis de glands sur des raies
de charrue distantes de
(22) Archives Vaucluse
512
Le roman du Cèdre
-
programme de 200 hectares/an,
-
maintien en terrains de parcours et en alpages
d'environ
Les premiers semis semblent
remonter à 1859, c'est-à-dire avant la grande loi de 1860 sur le reboisement des
montagnes.
Déjà, depuis plusieurs années, la
commune avait effectué des semis de glands de Chêne rouvre.
Elle payait les frais de culture et
l'État fournissait la semence. Double concours qui promettait le succès . . . »
(de Ribbe, 1862).
Ainsi J . Eymard, maire de
Bédoin, est l'initiateur des reboisements du Mont Ventoux et François Tichadou
l'auteur du projet.
• Truffières artificielles
La plupart des auteurs pensent
que la trufficulture animait la pensée des reboiseurs de 1860, privilégiant les
semis de glands. Seul Maury (1960) a combattu cette idée. Il a raison, mais en
partie seulement.
Comme le Cèdre, la truffe était
absente du projet . Toutefois, on ne peut s'empêcher de croire qu'une
arrière-pensée habitait l'esprit
de Tichadou . Il n'ignorait pas que des truffières artificielles existaient
dans le Vaucluse et que les sociétés
d'agriculture de Carpentras, d'Apt et de Vaucluse, dont il faisait
partie, accordaient depuis 1857
des médailles pour encourager cette spéculation.
En 1810, un sieur Talon, habitant
Croagnes près de Saint-Saturnin-d'Apt, sema des glands pour améliorer la
nourriture de son troupeau . Et, surprise, il récolta des truffes ! II garda le
secret pendant quelques années puis, un jour, son cousin Rousseau, de
Carpentras, perça le mystère et l'imita.
Les truffières artificielles
étaient nées par hasard (Bourilly, 1909).
Les truffières réclamaient des
lignes de glands espacées de
Cette idée a été géniale.
À Bédoin, le revenu truffier
de la commune est passé de 800 F/an en 1854, à
1860-1865 : un nouveau venu, le
Cèdre
• La loi de 1860 et le Cèdre
La loi du 28 juillet 1860 sur le
reboisement des montagnes arrive au bon moment. Elle crée le déclic et permet
la catalyse. Elle emporte l'adhésion des derniers opposants du conseil
municipal.
Depuis longtemps, les forestiers
réclamaient des moyens exceptionnels pour enrayer la dégradation
des sols montagnards et réduire
les inondations.
Dès le 17 mai 1845, le directeur
:général des Forêts présente un mémoire pour le reboisement de 1.218
513
Rev . For . Fr. XLVIII - 6-1996
M. COINTAT
vernement (23). Il fait remarquer
entre autres que la loi, malgré l'important crédit de 10 millions de francs
ouvert sur dix ans, n'est qu'une étape car les moyens représentent à peine le
dixième des besoins.
Le grand intérêt de cette loi
réside dans le fait qu'elle représente d'abord le premier fonds forestier
national français. Des subventions, des primes, des délivrances de plants et de
graines sont accordées
aux communes et aux particuliers
pour les inciter à reboiser.
La commune de Bédoin sautant sur
l'occasion a été une des premières à solliciter l'aide de l'État pour sauver
une nature en désarroi.
Toutefois, en forestier
consciencieux, Tichadou ne se contente pas de Bédoin et, le 19 septembre 1860
(24) , il présente un programme de reboisement des montagnes du Vaucluse. Il
reprend son rapport de 1856. II l'adapte aux dispositions de la nouvelle loi,
mais il n'a pas changé d’avis, ses propositions restent les mêmes : des glands,
beaucoup de glands, des semences alsaciennes de Pin sylvestre, de Sapin et
d'Épicéa et éventuellement un peu de Pin d'Alep. Rien d'autre et toujours pas de
Cèdre. Il paraît seulement que l'on ait ajouté du Mélèze, mais il n'est pas
certain que Tichadou soit l'auteur de cette originalité.
Mais la loi du 28 juillet 1860
donne aussi plus de pouvoir au service forestier. Alors, intervient Charles-François
Labussière qui arrive de Clermont-Ferrand et qui est nommé, le 26 décembre
1860,
conservateur des Eaux et Forêts à
Aix-en-Provence.
Il décide d'ajouter des résineux
au programme de Bédoin. Le projet est grandiose et il y a de la place
pour d'autres essences que le
Chêne voulu par la commune.
Il propose « la création de
grandes forêts avec des essences qui n'ont eu jusqu'à présent que de rares
représentants dans nos parcs et dans nos jardins » . Il ajoute du
Pin d'Alep et également le Cèdre, parce que les observations déjà faites sur «
du semis naturel d'un arbre plus vieux, nous portent à penser que cet arbre
réussira aussi bien en massif qu'à l'état isolé », (Labussière, 1863).
Quelques Pins maritimes, laricio
et d'Autriche sont seulement prévus au départ pour de très faibles surfaces, à
titre d'essai.
Labussière s'appuie sur les
conclusions de son ami et camarade de promotion Gabriel-Victor Renou, à propos
du Cèdre, et son intérêt dans le reboisement des montagnes méridionales.
Lui-même a eu l'occasion d'étudier le comportement de cette essence en Auvergne
où il était en poste depuis 1850.
Toutefois, il n'est pas
impossible qu'il y ait eu quelques nuances fort estimables entre l'inspecteur Tichadou,
traditionnel et consciencieux, et son conservateur Labussière plus audacieux et
moderniste.
Certes en 1856-1857, Tichadou
avait semé avec succès du Pin d'Alep et quelques laricio dans la forêt
domaniale du Lubéron, ainsi que deux hectares de Pin d'Alep dans la forêt
communale d'Oppède, ce qui était déjà une nouveauté . Mais l'identité de vue
semble s'arrêter là.
En effet, si l'on interroge le
témoin numéro 1 de l'époque (de Ribbe, 1862), ardent défenseur des reboisements
en Provence, on constate que, pour la première campagne de semis à Bédoin au
printemps
Ce programme correspondait aux
idées des forestiers locaux. En particulier, l'histoire voulait que, jadis, le
Ventoux était habillé de mélèzins, mais cela n'a jamais été prouvé.
(23) Les inondations
catastrophiques de 1840 dans le Midi . de 1841 dans le Gard, de 1842 dans toute
Loire, avaient sensibilisé les
esprits . En 1848, le représentant du peuple Dufournel avait déjà présenté un
projet de loi sur le reboisement
. mais la complexité du texte
l'avait fait rejeter.
(24) Archives Vaucluse
514
Le roman du Cèdre
La réalité a été différente,
probablement à la demande de Labussière puisque d'autres résineux ont été
choisis : les Pins méridionaux, le Pin noir d'Autriche et le Cèdre.
En présentant le projet à
l'administration centrale, Labussière propose donc d'utiliser le Cèdre de l'Atlas
à titre d'essai, mais en grand. Il souhaite également tester les graines
algériennes de Pin d'Alep.
Le conservateur voulait convaincre
son directeur général. Il a réussi.
Celui-ci, H . Vicaire, prend les
dispositions nécessaires : « les graines demandées à l'Algérie sont celles
du Pin d'Alep et de Cèdre. Dès 1861, j'ai pris des mesures pour faire récolter
des graines de ces essences dans les forêts de notre colonie »
MM. les Généraux commandant les
divisions ont bien voulu, sous la direction de son Exc. le Maréchal de France,
gouverneur général de l'Algérie, me prêter le concours le plus empressé et donner
aux agents forestiers l'assistance de la main-d'oeuvre militaire . Grâce à ces
moyens, de notables quantités de graines ont pu être expédiées en France à des
prix très modiques. (Vicaire, 1864).
Par ailleurs, une partie de ces
graines sera distribuée à d'autres conservations pour multiplier les expériences
et mieux étudier le comportement des deux essences algériennes. Carte blanche
est donnée à ce sujet à Charles
Labussière.
Le 22 mars 1861, le ministre des
Finances approuve le dossier de la commune de Bédoin. Le 20 octobre suivant, la
commune vote les crédits et sollicite une subvention qui est accordée par
l'État.
Les cônes de Cèdre sont récoltés
par les forestiers algériens avec l'aide des militaires qui, vraisemblablement,
se chargent du transport.
Pour la population locale, le
Cèdre n'était qu'une curiosité sans intérêt.
En
Il est bon de rappeler dans
quelle ambiance particulièrement difficile travaillèrent les forestiers
méridionaux de 1860. Le scepticisme et la défiance animaient une population qui
n'a jamais eu l'amour de l'arbre, qui ne croyait pas à la vertu de la forêt à
cause d'un soleil trop agressif et qui, dans ces montagnes pauvres et sèches,
ne rêvait que d'un boisseau de blé et d'un gigot de mouton pour ne
pas mourir de faim.
Labussière (1868) écrit lui-même
pour le Lubéron, mais c'est également valable pour le Ventoux : « les
plaisanteries des ouvriers employés aux premiers travaux auraient été de nature
à décourager des forestiers de peu de foi ; mais . . . les succès obtenus
leur ont procuré la seule vengeance qu'ils ambitionnaient »
Heureusement l'équipe de
Labussière avait la volonté et la foi.
Il est prévu environ 80 % de
glands et 20 % de graines résineuses (Labussière, 1868). A priori, le Cèdre est
limité à 5 % de la surface, mais le Cèdre prendra l'avantage.
D'ailleurs à une époque où la
responsabilité et l'initiative animaient encore les services, le conservateur Labussière
n'a pas attendu l'arrivée des dernières signatures administratives, puisque dès
octobre 1861 les cônes de Cèdres étaient déjà commandés dans les forêts algériennes.
Arrivés à ce point de la
recherche sur le Cèdre du Ventoux, Tichadou reste pour nous un mystérieux personnage.
Il a la réputation d'un agent travailleur et connaissant son métier. Fils de
forestier et père de forestier, il a la fibre forestière. Il a élaboré, avec
son équipe de Carpentras, le dossier de reboisement de la forêt de Bédoin, mais
les présomptions s’amoncellent, tendant à faire croire qu’il n'est pas l'auteur
de l'introduction du Cèdre au Ventoux.
515
Rev . For . Fr . XLVIII - 6-1996
M. COINTAT
Un projet de
Après sa mort, son successeur à
Avignon, Bedel, rend compte dès 1863 des travaux sur le Ventoux.
Il écrit également sur
l'échenillage, sur l'ancien comté de Sault, sur le Chêne vert, etc.
De même, le conservateur d'Aix
Charles Labussière traite longuement, en 1863, des semis et plantations de
Cèdres.
Quant A Charles de Ribbe, avocat
à Aix et grand défenseur de la forêt méridionale, il écrit sur tout, partout et
tout le temps.
Aucun des auteurs ne cite le
travail de Tichadou. C'est l'arlésienne
du Cèdre.
Et pourtant, Maury (1960) est
formel : « des lettres autographes ne laissent aucun doute sur la
part prépondérante prise par M. l'inspecteur Tichadou, assisté de M. de
Pelissier du Grès (25) dans l'introduction et la plantation
du Cèdre ». Ces lettres semblent avoir disparu, car la correspondance entre
l'inspecteur et la commune ignore le Cèdre et n'évoque que les Chênes.
De son côté, Philibert Guinier
(1955) déclare : « M. l'inspecteur Tichadou avait servi en Algérie ; c'est le « sens
forestie »" qui l'a guidé dans cette introduction des Cèdres » et il
ajoute « Il convient de louer son sens de l'observation et son esprit novateur
».
Malheureusement, pour l'instant,
on n'a pas encore trouvé trace du passage de Tichadou en Algérie.
En revanche, Labussière joue un
rôle déterminant. Il donne les directives et Tichadou exécute. Si l'on en croit
les contemporains, Charles Labussière a été "l'initiateur" de la
révolution du paysage forestier dans sa Conservation. Il s'est révélé également
un remarquable vulgarisateur de la pensée forestière en créant, dès son arrivée
à Aix,
M. Labussière a eu l'honneur et
le mérite d'inaugurer en Provence l'oeuvre difficile du reboisement des
montagnes. C'était en 1860 . . . L'administration allait jouer, pour la
première fois, un rôle important dans ces contrées où elle avait été trop
longtemps méconnue » (RAFP, 1869).
Il a beaucoup travaillé dans les
forêts de Gémenos, de
Cette reconnaissance vaut un
éloge . Il est le grand patron des reboiseurs de
• Les cônes de Cèdre algérien
Les cônes algériens sont envoyés
à la conservation d'Aix.
En 1861, celle-ci reçoit
De quelle forêt venaient ces
semences ?
L'hypothèse de provenance la plus
vraisemblable est la région algéro-ouarsenienne. Si l'on suit l'évolution de la
conquête, seule cette province était organisée par le service forestier et par
l'armée.
(25) Jean Jules Armand Donnadieu
de Pelissier du Grès (1829-1903 ?) n'a guère pu assister Tichadou, car il a été
nommé sous-inspecteur à Carpentras en 1863 . C'est-à-dire après la mort de
celui-ci . Les collaborateurs de Tichadou, à Carpentras, ont été : Robert
(1850-1855?), Roman (1855 ?-1861)
et Charil-Desmazures (1862-1863).
516
Le roman du Cèdre
En 1843, Gabriel Renou n'avait
réellement étudié que la forêt de Mouzaia, près de Blida. Il ne connaissait les
Cèdres de Sétif et de l'Ouarsenis que par les renseignements qu'il avait glanés
auprès des militaires ou des indigènes . Les échantillons envoyés en France
avaient dû être récoltés dans ce massif de
Mais la forêt de Mouzaia, assez proche d'Alger, a été
rapidement surexploitée. Les Cèdres ont disparu et il est possible que, vingt
ans plus tard, seule la forêt du Mont Ciga, à
Cette forêt dite "des
Cèdres" (
Par la suite, cette forêt a
exporté beaucoup de semences de Cèdres vers
La récolte ayant lieu en octobre,
ces cônes ont dû arriver à Bédoin au début de janvier 1862. Ils ont été
répandus sur une épaisse couche de neige. Ils mettent dix à quinze jours pour
s'ouvrir dans l'humidité hivernale de
Labussière (1863) note que les
tonneaux algériens renferment deux variétés de Cèdres : Cèdre vert et Cèdre
argenté.
Pour lui, comme pour Renou, le
Cèdre vert a des aiguilles plus longues, des cônes plus gros et surtout plus
durs et plus difficiles à ouvrir (27).
La récolte des graines n'est pas
aussi facile qu'on pouvait le croire. Le trempage dans l'eau, pendant deux à
trois jours, est souvent nécessaire et il faut fréquemment briser les cônes à coup
de marteau.
Il est fait appel pour ce travail
aux militaires.
L'année suivante, en 1862, les
tonneaux de cônes totalisent
Au total,
graines, et probablement 300
tonneaux.
En fait, ce n'est pas une expérience
d'introduction de Cèdres mais une opération d'envergure.
Toutefois, conformément aux
instructions reçues, seuls
Les
On connaît quelques
destinataires, mais la liste n'est certainement pas exhaustive (28) :
-
Vaucluse :
Mont Ventoux, forêt communale de
Bédoin ;
Monts du Vaucluse, forêts
communales de Cabrières-d'Aigues et de Cabrières-d'Avignon ;
Lubéron, forêt domaniale de Petit
Lubéron, forêts communales d'Oppède, de Ménerbes, de Bonnieux, de Lacoste.
(26) Renseignement fourni par
Jean Fardé.
(27) D'après E .F . Debazac :
"Manuel des conifères" (2e édition), le genre Cedrus comprend
actuellement 4 espèces (mais on n'en est
pas encore complètement certain),
trois méditerranéennes et une asiatique : Cèdre de l'Atlas (Cedrus atlantica
Manetti) : aiguilles
courtes (moins de
et cônes petits (moins de
longs (7 à
Contrairement à l'opinion de
Renou et de Labussière, la couleur des aiguilles vertes ou glauques n'est pas
un critère suffisant pour
distinguer les espèces . De
nombreuses variétés ornementales existent.
(28) D'après Putod (1972), Toth
(1970), Labussière (1863), Ribbe (1863) et de Monchy (1926).
517
- Alpes-de-Haute-Provence :
Périmètre de Seyne, forêt
domaniale de Travers de
Le 5 février 1862, Labussière
envoie à
- Aude :
Forêt domaniale de Rialsesse.
Tichadou, originaire de Limoux,
n'est sûrement pas étranger à ce choix. « Le rôle joué par Tichadou
dans cette introduction est
transparent » (Toth, 1970).
Quelques bosquets sont également
issus de ces graines dans certains centres de
- Auvergne :
Labussière n'oublie pas non plus
qu'il a été en poste à Clermont-Ferrand de 1850 à 1860, où il a vu prospérer
quelques Cèdres sur le Puy de Dôme . II a d'ailleurs reçu
• Le Cèdre qui lève
Sur les pentes du Mont Ventoux,
l'année 1861 est consacrée à la création de pépinières car on ne sait pas s'il
vaut mieux planter ou semer.
Toutefois, en février ou mars
1862, des semis sont effectués sur un replat du canton de Mauvallat anciennement
cultivé (probablement en lavande).
Le garde forestier Conil dirige
les opérations. Pour ne rien perdre, il répand en plus 16 sacs de débris de cônes
ainsi que ceux non ouverts et qui n'avaient pu être brisés. Quelques-uns sont
également enfouis dans un coin des nouvelles pépinières.
L'année suivante, le reboisement
est poursuivi avec les plants issus des pépinières, mais les forestiers
locaux préfèrent les « semis
à demeure ».
Au total, pour les Cèdres, les
travaux portent sur une surface de 55 à
Partout, semis et plants d'un an
ont magnifiquement levé . Début septembre 1863, H . Vicaire, directeur général,
visite le chantier et, sur le terrain, nomme brigadier le garde Conil . Il
passe également au Lubéron.
Pour cette forêt domaniale,
Vicaire (31) écrit ceci : « Le Pin d'Alep et le Cèdre de l'Atlas, notamment, ont
réussi d'une manière remarquable. À celui qui a vu les semis du Lubéron, aucun
reboisement ne doit plus paraître impossible ». II est vrai que les conditions
du sol étaient particulièrement pénibles.
(29) 15 à 20 000 cônes.
(30) Cette répartition hétérogène
explique au moins partiellement aujourd'hui, parmi les premiers semenciers, la
présence d'arbres bas
branchus.
(31) Compte-rendu de sa tournée
au ministre des Finances (Le Moniteur, 20 février 1864).
518
Le roman du Cèdre
En revanche, pour le Ventoux - est-il passé trop vite ? - il ne remarque que les Chênes. Il ne semble
pas avoir vu les Cèdres du canton de Mauvallat, c'est dommage !
Les efforts de la commune de
Bédoin ont été estimés si considérables et exemplaires que, la même année,
Dans une lettre remarquable au conservateur
Labussière, le maire J. Eymard écrit le 10 avril 1862 : « - Ce que
vous faites pour la commune, M . Le Conservateur, est trop au-dessus de
l'intelligence vulgaire pour que, en ce moment, ses habitants puissent
en apprécier tout le mérite, mais plus tard quand nos populations
commenceront à en goûter les fruits, on reconnaîtra que, sans votre
intervention, jamais notre pays n'aurait joui d'un si grand bienfait ».
De l'automne 1861 au printemps
1864, on reboise (33) :
-
-
soit
Les reboisements par semis ont
commencé par les terrains les plus faciles, anciennes cultures abandonnées, pouvant
être charrués par bandes.
Fin 1867,
La commune de Bédoin ayant épuisé
ses ressources ne se décourage pas . Elle est autorisée à emprunter pour
achever le reboisement prévu de
-
Bien que la réussite du Cèdre ne paraisse
plus douteuse, cette essence n'a jamais été introduite qu'en mélange avec le
Pin d'Alep qui se trouve dans sa région naturelle » (Labussière, 1868). Le directeur
général Henri Vicaire confirme, dans son rapport de 1864 : « Le Cèdre de
l'Atlas a donné dans plusieurs régions de très beaux résultats.
L'Administration se propose de propager cette essence qui paraît devoir
s'acclimater facilement dans les montagnes du midi ».
Malheureusement, Vicaire meurt en
1866 et, comme les prédécesseurs ont toujours tort, le Cèdre qui, déjà sur le
Ventoux s'étend sur
Les travaux se poursuivent avec
Chênes et Pins divers. En 1897, le Hêtre fait son apparition dans les
plantations, notamment à
Le chantier de la forêt communale
de Bédoin a été déclaré comme terminé en 1936.
(32) Académie d'Agriculture de
France.
(33) Rapport du sous-inspecteur
Fortier à Carpentras . Toutefois, il convient de n'accepter ces chiffres que
comme des ordres de grandeur, car ils varient d'une plume à l'autre . Par
exemple, le directeur général des Forêts précise dans son compte-rendu au
ministre
des Finances : en ce qui concerne
la forêt communale de Bédoin, il a été fait, en 1863,
(34) « 11 faut semer ta graine de
Cèdre dés sa sortie du cône„ (Chaudey, 1927) . C' est ce qui a été fait . Par
la suite . les errements administratifs et la lenteur des décisions expliquent
en partie les échecs ultérieurs . Par ailleurs, Demontzey préférait la
plantation, qui
convient mal a la
puissance pivotante des radicelles de jeunes Cèdres, surtout quand elles sont
nues.
519
Rev . For . Fr. XLVIII - 6-1996
M. COINTAT
PLANS DE
Répartition des essences
principales à 150 ans de distance (1845 et 1995)
Peuplements de 1845
Ces cartes ne sont qu'indicatives
:
- en
- en 1995 . l'importance des
reboisements et les exploitations ont donné des peuplements fort mélangés . On
ne peut retenir que quelques essences dominantes :
• Le Chêne : l'yeuse occupe les
parties basses, mais le Chêne blanc a tendance à s'infiltrer avec
l'amélioration des taillis . De même, des Pins d'Alep et des Pins maritimes parsèment
les coteaux inférieurs à
• Le Cèdre : il s'étend et
s'étendra toujours s'il est convenablement protégé . Il déborde largement
l'aire portée sur la carte . Mais, en dehors, lors de sa colonisation des
peuplements voisins, il est encore très disséminé.
• Le Pin noir : au départ. on le
semait ou plantait partout. II cède peu à peu la place à des essences plus
nobles, dont le Cèdre.
• Le Hêtre et le Pin à crochets :
malgré les efforts réalisés, n'ont en fait guère changé de place depuis 1845.
• Le Pin sylvestre a été porté à
titre indicatif ; en fait, il a débordé de la forêt voisine située sur le
versant nord du Mont Ventoux.
Cèdre
Chênes blanc et vert
Hêtre
Pin noir
Pin à crochets
Pin sylvestre
Vides
Peuplements actuels
O Bédouin
520
Le roman du Cèdre
Les difficultés d'un succès
Bédoin est une commune qui a toujours
su faire parler d'elle. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, elle était réputée par
ses glacières naturelles du Ventoux qui alimentaient Avignon et Marseille.
Sous
En 1860, la renommée du miel du
Ventoux n'est plus à faire, 1.500 « ruchées d'abeilles » dans de
vieux troncs évidés sont installées dans le canton de Mormoiron et
appartiennent à une trentaine d'apiculteurs.
À la fin de 1870, et sans l'avoir
voulu, elle devient la première commune truffière de France, avec « La
truffe du Comtat ».
Enfin, depuis 130 ans, elle
possède la plus grande cédraie française.
En 1869, Charles-François
Labussière peut quitter la tête haute la conservation d'Aix.
En 1885, le maire Joseph Eymard
meurt satisfait. Il avait réalisé son rêve. D'ailleurs, cette même année, soit
23 ans après le début du chantier, les premiers semis naturels de Cèdres
naissent dans le canton de Mauvallat . Les jeunes Cèdres partent à la conquête
de la montagne.
Mais ce n'est pas suffisant pour
effacer le scepticisme ambiant.
Même F. Tessier (1900), excellent
forestier et disciple de Flahault, malgré une louange de bon aloi « véritables
massifs », « en santé parfaite », peuplements « extrêmement
vigoureux », « se repeuplent naturellement", ne croit pas à
l'avenir du Cèdre sur le Ventoux : « néanmoins, rien jusqu'à présent, ne
le désigne comme devant être employé dans les travaux ultérieur ». En
réalité, ce Cèdre n'avait besoin de personne, il s'est « employé »
tout seul.
Il faut attendre les observations
et les publications de Brun en 1922 et de Monchy et Reynier en 1926 pour
affirmer que le Cèdre de l'Atlas a conquis définitivement les esprits et les
pentes pierreuses duVentoux.
Brun écrit sur les Cèdres : «
leur prodigieuse fécondité et le tempérament des jeunes plants leur assurent la
prédominance future ». Il ajoute émerveillé, « un semis naturel aussi
serré que le gazon d'une pelouse ».
Le jugement de Monchy et Reynier
est encore plus solide : « le Cèdre de l'Atlas . . . constitue (dans l'inspection
d'Avignon) l'essence par excellence des reboisements . . . la propagation . . .
est nettement indiquée . . . dans les maigres taillis de chênes blanc et vert
de la région provençale ». « Le Cèdre contribue à la beauté du paysage ».
Hickel, le grand spécialiste des
exotiques, dit en 1932 : « les Cèdres du Ventoux constituent aujourd'hui un
peuplement splendide qui se régénère copieusement, éliminant progressivement
les pins, et dont le bois est fort apprécié des marchands de bois ».
Soixante ans ont été nécessaires
pour rendre hommage au malchanceux Renou, à l'énigmatique Tichadou et au
discret Labussière.
Personne n'avait cru à la
déclaration du botaniste Charles Martins qui, visitant les premiers semis de Cèdres
dès 1866, écrivait : « Cette essence prospère à merveille, sur un espace
de
La consécration officielle
viendra en 1955 de Philibert Guinier - ce qui n'est pas peu dire - qui conclut
sur le Cèdre du Ventoux « La preuve
est amplement faite. Il est possible,
dans des condi-
521
Rev . For . Fr. XLVIII - 6-1996
M. COINTAT
tions déterminées, de trouver une
essence exotique capable de se substituer aux essences autochtones, de former
une forêt stable et de plus productive. On aboutit à un véritable climax
d'origine artificielle »
On peut longuement gloser sur
cette conclusion de Guinier. En fait, le Cèdre n'est pas une essence exotique.
En effet, les glaciations quaternaires ont chassé de nombreuses essences de la
forêt française, comme le Cèdre, le Platane, le Micocoulier, le
Robinier, etc . (35).
Le Würmien, en particulier, a
écoeuré les espèces les plus sensibles au froid . La barrière maritime de
Le Cèdre est seulement un exilé
du froid qui revient au bercail après une longue absence. Il ne se « substitue »
pas aux autres essences autochtones, mais il complète les maillons de
l'évolution naturelle.
Il ne crée pas un climax
« d'origine artificielle ». II réinstalle un climax oublié, massacré
par les glaciers et interdit de séjour par la mer Méditerranée.
Retenons seulement le tampon du
satisfecit.
Épilogue d'un roman
« La vérité est ce qui est »
(Saint-Augustin)
En 1873,
Le financement a été de 32 % pour
la commune, 10 % pour le département et 58 % pour l'État.
Les Chênes représentaient 78 % de
la surface, les Pins 10 % et le Cèdre à peine 5 %.
Malgré cela, le Cèdre a essaimé
partout.
Arrêtées en 1865, les plantations
de cette essence ont repris à partir de 1922, à petites doses.
Toutefois,
Les quelque
En 1945, un incendie a détruit
Après le stade du Pin noir
d'Autriche, le Cèdre est bien le maillon qui manquait dans l'évolution de
la forêt méditerranéenne pour
constituer une forêt durable en équilibre.
Comme dans toute aventure
forestière, où le temps joue un rôle déterminant, le reboisement au Mont Ventoux
ne peut être l'oeuvre d'un seul homme. Le Cèdre algérien a trouvé une « seconde
patrie » grâce aux efforts d'au moins cinq personnes : deux maires
volontaires, patients et courageux, les Eymard père et fils, un jeune pionnier
malchanceux Gabriel-Victor Renou, un forestier consciencieux François Tichadou
et un conservateur dynamique Charles Labussière.
(35) Résultats de l'étude des pollens dans les tourbières
(palynologie), de l'examen des graines dans les sédiments (carpologie) et de l'analyse
des charbons de bois dans les foyers préhistoriques (anthracologie).
522
Le roman du Cèdre
L'AVENIR DE
« Le Cèdre appelle le Cèdre »
(B . Lepoutre)
Parmi les cédraies antérieures à
1914, et en plus des semis de 1862-1865, il convient de citer entre
autres :
-
1865-1880 :
-
1872 : la forêt privée de Riez
(Alpes-de-Haute-Provence)
-
1873 : la forêt domaniale Le Bousquet
(Alpes-de-Haute-Provence)
-
1877 : la
forêt domaniale de Castellane (Alpes-de-Haute-Provence)
-
1880 : les Cèdres de la forêt communale de
Saint-Étienne-les-Orgues (Alpes-de-Haute-Provence)
-
1882 : les forêts domaniales Le Vernet et de
Beaujeu (Alpes-de-Haute-Provence)
-
1913 : les
-
De même, les bouquets de Cèdres
introduits entre 650 et
Actuellement, l'inventaire forestier
national affiche, pour
Les possibilités d'extension,
sans grand risque d'erreur, peuvent être évaluées pour l'ensemble de notre pays
à
.
Cédraie du Mont Ventoux
(Vaucluse).
Série de Rolland
Photo MOTTE - Collection ENGREF -
Nancy
(36) Pour Michel Bariteau
Provence-Alpes-Côte d'Azur :
Languedoc-Roussillon :
523
Rev . For. Fr . XLVIII - 6-1996
M. COINTAT
Ce n'est pas un hasard si, depuis
quelques années, les dossiers de reboisements réservent une place de choix (37)
à ce vieil exilé qu'est le Cèdre et qui s'intègre merveilleusement dans les
paysages par sa puissance, sa qualité et sa beauté. Le Cèdre respire la santé,
il résiste souvent avec succès aux incendies, le parfum de son bois fait fuir
les mites et il embellit collines et montagnes.
Comme arbre d'ornement on le
rencontre partout en France . Il déborde avec succès de son aire réputée
naturelle (étage du Chêne pubescent 400 à
De 1963 à 1966, près de
La région de l'Uzège (Gard),
royaume du Chêne vert, mérite d'être citée.
Le premier Cèdre a été planté en
1891, dans la forêt domaniale de Valbonne (Gard) à
Et c'est un garde des Eaux et
Forêts, Alméras à Saint-Laurent-la-Vernède, qui de 1938 à
Depuis, en 1935, une trentaine
d'hectares ont été plantés sur le plateau à Buis et Kermès de Belvezet, près
d'Uzès. Les premiers cônes ont apparu en 1978 et l'on trouve aujourd'hui le
Cèdre disséminé sur
En fait, Gabriel-Victor Renou
avait raison en déclarant en 1844 que le Cèdre de l'Atlas pouvait aussi
prospérer à Paris. Il suffit d'aller admirer le bouquet de Cèdres des jardins
Albert-Kahn, en limite des logements forestiers de l'avenue du Quatre Septembre
à Boulogne-Billancourt, pour se convaincre
de l'énergie exceptionnelle de ce
grand seigneur de l'Atlas, espoir des forêts de demain.
M. COINTAT
Ancien ministre
Président de l'Académie
d'Agriculture de France et de
84, rue de Grenelle
F-75007 PARIS
(37) Environ 800 ha/an.
524
Le roman du Cèdre
SOURCES (38)
Archives nationales
Bibliothèque de l'Académie
d'Agriculture de France
Bibliothèque de l'Assemblée
nationale
Bibliothèque de I'ENGREF à Nancy
Bibliothèque de
Bulletin de
Inventaire forestier national
BIBLIOGRAPHIE
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dans l'Ouest de
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Forêt-entreprise, n° 96, 1994, pp. 88-90.
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montagnes dans le département de Vaucluse . — Bulletin de
BORY DE SAINT VINCENT (-) . — Des
Cèdres de l'Algérie . —
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DES EAUX ET DES FORÊTS . Nogent-sur-Vernisson . — Reboisement en Cèdre :
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mars-avril 1973, pp .134-141.
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CHEVANDIER DE VALDRÔME
(Chevalier) . — Rapport sur la loi de reboisement des montagnes (n" 355, 9
juillet 1860, Assemblée nationale).
COSSON (E.) . — Note sur le Cèdre
d'Algérie . — Bulletin de
DEBAZAC (E .-F .) . — Manuel des
conifères . — 2 e édition . — Nancy : ENGREF, 1991 . — 172 p.
FOURCHY (P .), LEMPS (F. de) . —
Un exemple de mise en valeur des taillis de Chêne pubescent au moyen du Cèdre :
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réflexions botanico-forestières pour comprendre la forêt méditerranéenne . —
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forestière . — Paris : P . Lechevalier, 1932. — 274 p.
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plusieurs Cèdres du Liban qui se trouvent dans quelques parcs et jardins des
environs de Paris . — Bulletin des Séances de
LABUSSIÈRE (Ch .) . — Le Cèdre en
Provence : Faut-il le semer ? Faut-il le planter ? — Revue agricole et
forestière de Provence, 25 mai 1863, pp . 221-229.
LABUSSIÈRE (Ch .) . Reboisement
dans le département de Vaucluse . — Revue agricole et forestière de Provence,
1868, pp . 141-150.
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du Cèdre du Liban . — Annales de l 'Agriculture française, 3 e série, t . 19,
n" 120-121, juin-juillet
1837, p . 388 et Paris (66 p .).
MAURY (R .) . — Le Reboisement de
la forêt de Bédoin et son enseignement . — Annales de l'École nationale des
Eaux
et Forêts, tome XVII, fascicule
1, 1960, pp . 121-153.
MONCHY (M . de), REYNIER (M .) .
— Les Reboisements en Cèdre et propagation de cette essence dans l'inspection
d'Avignon . Bulletin de
PUTOD (R .) . Le Cèdre dans le
Vaucluse et les Alpes de Haute Provence . — Institut pour le Développement
forestier, 1972 (Rapport dactylographié).
RENOU (G .-V.) . Forêts de
l'Algérie . — Annales forestières, t . I, 1842, pp . 415-430, 479-491.
RENOU (G .-V.) . Forêts de
l'Algérie . Découvertes nouvelles . — Annales forestières, t . II, 1843, pp .
159-161.
RENOU (G .-V.) . — Notice sur les
forêts de Cèdres de l'Algérie . — Annales forestières, t . III, janvier 1844,
pp . 1-7.
RENOU (G.-V .) . — Aperçu et
notice sur les forêts et les arbres forestiers de l'Algérie . — Nancy, 1844
(Manuscrit conservé à I'ENGREF).
RIBBE (Ch . de) . — Le Concours
des communes dans l'ceuvre du reboisement . — Revue d'Agriculture et
d'Horticulture de Provence, 1862, p . 361.
(38) Avec mes
remerciements à tous les responsables et en particulier à Marie-Jeanne Lionnet,
Andrée Corvol-Dessert et Jean Pardé.
525
Rev . For . Fr. XLVIII - 6-1996
M. COINTAT
TESSIER (F .) . — Le Versant
méridional du Massif du Ventoux . — Revue des Eaux et Forêts, 1900, pp . 65-84,
97-106, 129-140.
Tichadou, notice nécrologique .
Revue des Eaux et Forêts . 1862, pp . 281-282.
TICHADOU (F .) . — Travaux de
reboisement . Bulletin de
p . 420.
TOTH (J .) . — Plus que
centenaire et plein d'avenir : le Cèdre en France . Revue forestière française,
n° 3, mai-juin 1970, pp . 355-364.
VICAIRE (H .) . — Récompenses à
décerner pour le reboisement des montagnes (Société impériale et centrale
d'Agriculture de France) . — Annales forestières, tome II, 1863, pp . 65-69.
Nota : L'auteur tient une
bibliographie plus complète à la disposition de tout lecteur.
LE ROMAN DU CÈDRE (Résumé)
L'introduction du Cèdre en France
représente une belle aventure.
Le Cèdre du Liban orne les parcs
de sa puissance depuis 1734. Le Cèdre de l'Atlas a été utilisé dans les
reboisements dès 1842.
La plus grande cédraie française
est celle du Mont Ventoux (Vaucluse) dont les premiers semis remontent à 1862.
Longtemps mal aimé, cet arbre a
été l'objet de controverses. Il a fallu presqu'un siècle pour en reconnaître
les qualités techniques, sylvicoles et
esthétiques.
Le Cèdre de l'Atlas se plaît
surtout sous le climat méditerranéen, dans l'étage du Chêne pubescent, mais il
est capable de pousser partout dans notre pays, avec un succès étonnant.
Il colonise déjà plus de
Le Cèdre est incontestablement un
arbre d'avenir.
THE STORY OF THE CEDAR (Abstract)
The introduction of the cedar in
The cedar-of-Lebanon has towered majestically in parks since 1734 . The
cedar of Atlas was used for reforestation purposes as early as 1842.
The largest cedar plantation in
For a long time, the cedar was disliked and controversial . It took
nearly a century for its value for both forestry and ornamentation to be
recognized.
The cedar of Atlas is most comfortable in the Mediterranean climate in
the growth belt of the pubescent oak . but it is capable of growing anywhere in
our country with surprising success.
It already covers more than
The outlook for the cedar is undoubtedly rosy.