LE ROMAN DU CÈDRE

 

M. COINTAT

 

« Pareil au Cèdre, il cachait dans les cieux

Son front audacieux »

(Racine . Esther)

 

Dans notre pays, l'histoire du Cèdre ressemble à un roman. Et l'aventure devient extraordinaire avec la cédraie la plus grande qui se prélasse avec vigueur sur les pentes ensoleillées du Mont Ventoux.

 

Cette saga, qui se poursuit depuis plus de deux siècles, auréolée de mystères, de rumeurs, de controverses, mérite d'être contée. Et ce d'autant plus qu'aujourd'hui, le Cèdre de l'Atlas, pendant trop longtemps, le « mal aimé » de la poésie forestière, est devenu un prince du soleil. Quand le promeneur, au détour de la route forestière menant au sommet du Ventoux, se retourne dans la vieille cédraie de 1862, il s'arrête ébloui, muet d'étonnement. Il est plongé dans un autre monde, enchanté, plein d'antiques légendes. Il rêve brusquement que Lancelot du Lac ou Perceval va surgir de derrière un Cèdre majestueux, sur un destrier blanc, accompagnant un Saint-Graal rayonnant de lumière. Le soleil a perdu de sa force. Une brise de fraîcheur fait oublier l'été et le bleu argenté des aiguilles en bouquets pare le décor d'une lumière irréelle (1).

Sur ce versant montagnard ivre de soleil, face au sud, dans une cascade de cailloux blancs où toute terre semble absente, le Cèdre, cet étranger de la mémoire des hommes, se faufile, s'introduit, s'immisce, s'intègre et colonise l'espace avec désinvolture.

 

Même au béotien qui passe trop vite, le Cèdre apparaît comme une essence miracle.

 

LE DÉCOR : FAITS, DIRES ET IDÉES REÇUES

 

« Tous les pays qui n'ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid »

(Patrice de La Tour du Pin)

 

Le Mont Ventoux, grand seigneur de Provence

 

Chaque matin, le Ventoux dicte aux paysans de la vallée du Rhône, respectueux de sa puissance, le temps de la journée.

 

(1) Les exploitations de 1995 ont légèrement modifié le paysage, mais ce ne sera que temporaire.

 

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Mais depuis le jour du 1er janvier 1250 où le seigneur des Baux donna à la communauté de Bédoin la liberté et l'entière possession de la montagne, les habitants, par insouciance, dilapidèrent leur héritage. Les paysages sont ruinés par les coupes abusives, la Lavande élimine le Chêne pubescent, les abus de la « dépaissance » dégradent les alpages, les ravins sont rapidement meurtris par l'érosion.

Dès le XVIe siècle, les États du Comtat Venaissin lancent un cri d'alarme devant une telle misère, mais en vain.

 

Au début du XIXe siècle, le Ventoux, grand seigneur blessé, offre le désolant spectacle d'un empereur déchu, complètement chauve. C'est alors que commence une longue croisade pour rétablir l'ambiance perdue de la « sylve primitive ».

 

Une révolution devenait indispensable dans ce vaste pierrier stérile chauffé par un soleil trop ardent, régulièrement ravagé par des « vidourlades » d'une violence incroyable et balayé par un mistral si puissant que les quelques arbres qui subsistaient étaient « penchés vers le sud dans une fuite éternelle ».

(A . Daudet).

 

L'énigmatique Tichadou

 

Les auteurs sont convaincus que l'inventeur des Cèdres est l'inspecteur des Eaux et Forêts Tichadou agent plein de zèle et d'entrain (Revue des Eaux et Forêts, 1862).

 

Depuis 1898, date de la visite de l'École forestière (promotion de Philibert Guinier) dans la jeune cédraie du Vaucluse, les forestiers ont appris ou ont entendu dire que Tichadou avait travaillé en Algérie et qu'il en avait rapporté la nostalgie des Cèdres de l'Atlas. En 1860, il aurait fait venir d'Afrique, de sa propre initiative, un lot de cônes destinés au Ventoux. À la suite de cette incartade, il aurait même été l'objet d'une mutation disciplinaire, ce qui justifierait l'abandon des semis de Cèdres à partir de 1865.

La controverse a duré longtemps. Pour réhabiliter la mémoire de ce forestier en avance sur son temps, il a été décidé de graver le nom de Tichadou dans la pierre sur les pentes de la montagne.

 

Le 22 juin 1955, les congressistes de la Société forestière de Franche-Comté ont inauguré une plaque commémorative sur la façade du pavillon de Rolland entouré « de semis de Cèdres de tous âges ».

L'inscription est la suivante :

 

M. Tichadou

Inspecteur des Eaux & Forêts d'Avignon

a commencé le reboisement de cette forêt

et introduit les premiers Cèdres en 1862

avec l'appui éclairé de M. J. Eymard maire de Bédoin,

M. Labussière étant conservateur à Aix-en-Provence

 

La présence du directeur Philibert Guinier, grand maître de la foresterie française, donnait encore un caractère plus officiel et plus solennel à la cérémonie.

 

En revanche, aucun auteur ne donne de précision sur la carrière de Tichadou.

 

Qui est donc ce fameux Tichadou, amoureux des Cèdres et pratiquement inconnu ?

 

Comme Victor Hugo, il est né en 1802. François, Victor, Prosper, Antonin Tichadou a vu le jour à 3 heures du matin, le 8 nivôse an XI (28 décembre 1802) à Limoux (Aude). II était le fils d'un forestier, Martin Tichadou, sous-inspecteur des Forêts dans l'Aude, marié à une catalane Josèphe-Athanase Delpey-Gauma.

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Le roman du Cèdre

 

Tichadou (2) entre dans le service forestier à 25 ans en 1827 comme garde à cheval sédentaire (3) à Toulouse. Il est nommé garde général en 1832. Il devient sous-inspecteur dans l'Aude en 1836.

Quatre ans plus tard, il est promu inspecteur à Saint-Gaudens. Il se distingue en faisant rentrer dans le giron de l'État deux forêts usurpées à la Révolution.

 

On ne sait rien de plus. Son dossier de carrière semble avoir disparu. A priori, il n'a jamais été en poste en Algérie. Fait encore plus troublant, François Tichadou, après 35 ans, 7 mois et 5 jours de service, est mort le soir du 20 août 1862 à 59 ans, dans son appartement du 12 rue Saint-Marc à Avignon, c'est-à-dire cinq mois après les premiers semis de Cèdre sur le Ventoux. Il avait épousé Claire Marentié (4), dont il a eu un fils qui, au moment du décès, était candidat à l'école forestière. Il a travaillé à Avignon pendant dix ans (1852-1862), mais il n'a pas pu diriger les travaux de reboisement qui se sont étalés sur plusieurs années car il est mort au tout début. Il n'a donc pas pu être muté disciplinaire, sanction qui n'apparaît nulle part.

 

Ces précisions indubitables, mais fragmentaires, suscitent bien des interrogations. Tichadou est-il véritablement l'introducteur en France du Cèdre de l'Atlas ? Est-il le créateur de la première cédraie de notre pays ? Quel est son rôle exact dans les reboisements du Ventoux ?

 

Tichadou est-il une légende ou une réalité ?

 

L'ORIGINE DU CÈDRE EN France

 

Le Cèdre est l'un des plus beaux arbres de la nature »

(Baudrillart, 1821)

 

Cèdre du Liban (Cedrus libani G . Don)

Le Père Nicole Le Huen, carme déchaussé, a découvert les Cèdres du Mont Liban en 1487. Le nombre des arbres vénérables trouvés sur ce mont célèbre divise les voyageurs pendant trois siècles . Il varie entre 26 et 13, mais les plus sérieux ajoutent qu'il y a beaucoup de jeunes tout autour, heureusement.

 

Un Cèdre aurait été planté en Angleterre vers 1580 par la reine Elisabeth I à Hendon Place, près de Londres . Il a été abattu par un ouragan le 1er janvier 1779.

 

Certains prétendent que quelques Cèdres ont également été ramenés en France au XVIe siècle par des amateurs de courses lointaines, mais l'oubli a effacé ces dires. Le Cèdre du Liban était cependant

connu puisque Racine le cite dans Esther.

 

Il convient d'attendre l'aventure de Bernard de Jussieu en 1734 pour que le Cèdre du Liban fasse une entrée remarquée. Revenant de Londres, le baron botaniste cassa les poteries contenant les précieux plants et il ne put en ramener que « soi-disant » deux dans son chapeau. En réalité, ils devaient être au moins quatre :

 

— le premier a été planté dans le labyrinthe du Jardin des Plantes où il prospère toujours,

— le second a été offert à Duhamel du Monceau qui l'a installé en face de son château de Vrigny

(Loiret) près de Pithiviers (5),

— un troisième a été planté par Trudaine à Montigny-Lencoup près de Nangis (Seine-et-Marne).

Celui-ci a été renversé par le vent en 1935. Il mesurait 9 mètres de tour et 32 mètres de hauteur.

 

(2) En langage d'Oc, Tichadou signifie "le petit".

(3) Le garde à cheval était au XIXe siècle un grade intermédiaire entre brigadier et garde général.

(4) Mme veuve Tichadou obtient la reversion du tiers de la pension dont aurait pu bénéficier son mari (Archives nationales F .10/1569).

(5) En 1835, le Cèdre mesurait 4 mètres de tour et 23 mètres de hauteur. « L'arbre entier est de la végétation la plus belle et la plus Florissante » (Loiseleur).

 

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- enfin, le quatrième, haut de 37 mètres avec près de 6 mètres de tour, serait le Cèdre de la pépinière du Petit Trianon à Versailles (6).

 

Dès la fin du XVllle siècle, le Cèdre, magnifique dans son costume d'apparat, s'est propagé comme arbre d'ornement. Majestueux, énormes, ces spécimens de première génération font toujours l'admiration des touristes amoureux des jardins.

 

En 1844, rien que dans les environs de Paris, on dénombre une quinzaine de parcs où se prélassent trente-deux imposants Cèdres du Liban de 18 à 25 mètres de hauteur et de 2 à 3 mètres de tour. Ils ont été plantés entre 1760 et 1796 (Jacques, 1844).

 

Toutefois, Loiseleur-Deslongchamps, toujours fort précis, signale que le Cèdre Marbeuf aux ChampsÉlysées est né en 1752, que dans le bois Guillaume près de Rouen trois sujets remontent à 1744 et qu'à Denain-Villiers (près de Vrigny) un Cèdre date de 1743.

Le Cèdre de l'Atlas (Cedrus atlantica Manetti)

Le Cèdre de l'Atlas a été découvert beaucoup plus tard, en 1826 dans le Rif par Webbs. Il est à l'origine des peuplements forestiers.

 

Il passe pour avoir été introduit en 1842, mais il l'a sans doute été bien avant » (Hickel, 1932). Et pourtant, Loiseleur écrit en 1837 : « Les botanistes modernes n'ont observé le vrai Cèdre dans aucune partie de l'Afrique et cet arbre n'existe en Europe que depuis qu'on l'y a apporté à des époques assez récentes »

 

La conquête de l'Algérie est vraisemblablement la cause de cette introduction.

 

Le massif le plus anciennement connu est un demi-hectare dans le domaine de la Roche de Bran (Vienne) . Amédée de Pérusse, duc des Cars, avait fait les campagnes de Constantine et de Kabylie comme ancien lieutenant général des armées du roi. II rapporta d'Algérie des graines de Cèdre qu'il sema dans sa propriété, c'est-à-dire entre 1842 et 1845 (Aubert, 1953).

 

À la Trouhaude, près de Dijon, les premières introductions remontent à 1848 . Il reste un ou deux sujets de cette époque. La cédraie actuelle de 5 hectares date de 1876 (Fourchy, 1954).

 

Quelques Cèdres auraient été importés en Sologne vers 1850.

 

Dans les mêmes années (1842-1850), une cédraie de faible importance a été installée sur le Puy de Dôme dans la forêt sectionnale de Champeaux.

 

Deux évidences sautent aux yeux :

       ces vieilles cédraies datent toutes de 1840 à 1850,

       et il ne s'agit que de bosquets ou de peuplements de faibles surfaces.

 

Les graines viennent d'Algérie, mais de forêts dites « compactes » suivant l'expression du temps et non de quelques semenciers isolés comme au Mont Liban.

 

II ne s'agit que d'essais d'introduction d'une espèce ou variété inconnue : le Cèdre de l'Atlas, mais dans le but d'en faire une essence forestière et non, comme son prédécesseur, un arbre d'ornement.

 

Quelles sont les raisons de cet ensemble d'expériences, presque simultanées et poursuivant le même objectif ?

 

(6) Loiseleur-Deslongchamps prétend qu'il n'aurait été planté qu'en 1790.

 

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Gabriel-Victor Renou, oubli malheureux de l'histoire

 

À cette époque, deux hommes exceptionnels apportent peut-être la réponse à cette question : le vicomte Louis Héricart Ferrand de Thury (1776-1852), et l'inspecteur des Eaux et Forêts Gabriel-Victor Renou (1806-1844).

 

Héricart de Thury, député et directeur des travaux de Paris, crée en 1827 la Société royale d'Horticulture (7) et demande à un groupe de botanistes, comme Dupetit-Thouars, de lui conseiller des arbres exotiques pour la voirie de la capitale.

 

En plus du Sophora et du Tilleul argenté qui feront fortune, on lui indique le Cèdre du Liban pour orner le centre des squares.

 

Héricart est sceptique. Il craint la pollution urbaine. Il cherche un résineux plus rustique (8). Il se passionne pour les forêts algériennes.

 

Devenu président de la Société royale de l'Agriculture (9) , il écrit, le 20 juin 1843, au Maréchal Soult, président du Conseil et ministre de la Guerre, pour demander une enquête sur les Cèdres de l'Atlas, et notamment ceux de l'Ouarsenis à Teniet-al-Haad . Il réclame même des cônes « pour en faire des semis dans les pépinières » de la Société. Il faut, dit-il, « décider définitivement la question de l'existence des forêts de Cèdres dans les chaînes de l'Atlas » dans l'intérêt du reboisement de nos montagnes.

 

Le maréchal duc de Dalmatie répond le 26 janvier 1844 . II donne les renseignements demandés. Il envoie également des échantillons et conseille de se reporter aux travaux de Renou, fondateur du service forestier en Algérie depuis 1838 (10)

 

Héricart émet immédiatement l'opinion, au vu des branches de Cèdre : «  le Cèdre trouvé en Algérie n'est pas le véritable Cèdre du Liban, mais une variété voisine de cet arbre ».

 

Depuis quatre ans, le jeune Victor Renou parcourt avec enthousiasme les forêts de l'Algérie, le plus souvent dans des conditions difficiles à cause de tribus insoumises. Il reconnaît les peuplements, estime leur intérêt forestier. Le 24 juin 1842, il signe un mémoire important, le premier du genre, sur les « Forêts d'Algérie », mais il ne décrit que les massifs visités en plaine et dans les basses montagnes.

 

L'année suivante, il écrit au rédacteur en chef des Annales forestières. Dans le massif du Mouzaïa et des Béni Salah, près de Blida : « Là, nous avons trouvé le fameux Cèdre du Liban, bien caractérisé et nous étudions avec soin la marche de sa végétation ». Il signale en outre que le Cèdre existe aussi dans les monts Riga au sud de Sétif.

 

Le botaniste Durieu de Maisonneuve (t1) est alors envoyé en mission à Blida . Il y arrive le 30 mars 1844 et son rapport, lu à l'Académie des Sciences par Bory de Saint Vincent, est étonnant. À 800 mètres d'altitude, sur le versant sud, les Cèdres devenant de plus en plus nombreux et gigantesques, la majestueuse forêt qu'ils composent ne parut plus être interrompue . . . Certains ravins abrités et descendant au midi en recèlent des massifs de la plus grande beauté « . Certains « doivent être d'un âge prodigieux ».

 

Poursuivant sa quête, Renou, inlassable, publie en janvier 1844 une « Notice sur les forêts de Cèdres de l'Algérie », chef-d'oeuvre d'analyse et d'observation.

 

(7) Aujourd'hui Société nationale d'Horticulture de France.

(8) Héricart connaît bien le Cèdre du Liban . Dans son domaine de Thury-en-Valois (Oise), son père avait planté, en 1780, la montagne

de St-Martin-le-Pauvre avec des Cèdres "en assez grand nombre" (Loiseleur, 1837) . C'est peut-être le seul boqueteau connu

en France de Cèdres du Liban créé au XVIII° siècle.

(9) Aujourd'hui Académie d'Agriculture de France.

(10) Le service forestier algérien a été créé par le maréchal Vallée le 24 juillet 1838.

(11) Il a fait un premier voyage en Algérie en 1842.

 

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Il distingue deux sortes de Cèdres :

-          le "Cèdre vert", fort proche du Cèdre du Liban,

-          le "Cèdre argenté" (qu'il dénomme Cedrus argentea) à caractères particuliers : aiguilles plus courtes, cônes plus petits.

 

D'après lui, les cédraies en massifs se rencontrent dans trois régions :

-           la chaîne du Mouzaïa (12) ,

-           le djebel Afgane, près de Sétif,

-           le massif de l'Ouarsenis, au-dessus de Teniet-al-Haad.

-            

Cette étude renferme deux phrases essentielles :

• «Les Cèdres de l'Atlas pourraient, sans le secours de moyens extraordinaires de culture, s'acclimater facilement dans les forêts de France et surtout dans celles de nos départements méridionaux »

Renou démontre que le Cèdre peut prospérer au moins jusqu'à la latitude de Paris.

• «Au surplus, ajoute-t-il, l'expérience en sera prochainement faite car des graines de Cèdre argenté

et de Cèdre vert ont été récemment apportées en France et réparties dans plusieurs départements".

 

Victor Renou apparaît donc à la fois comme le découvreur du Cèdre algérien et comme le premier introducteur, en 1843, du Cèdre de l'Atlas en France. Son but n'est pas d'orner les parcs, mais de créer des forêts, « car, écrit-il, les forêts de l'Algérie sont en état de fournir une assez grande quantité de graines pour pouvoir repeupler les montagnes de nos départements méridionaux ».

 

Les essais, encore visibles, réalisés entre 1843 et 1845, sont probablement les enfants de Renou.

 

Les cônes proviennent vraisemblablement de Mouzaïa (800 mètres d'altitude), parce qu'en réalité c'est en 1843 le seul massif que Renou ait étudié sur place.

 

Ce dernier a également laissé un manuscrit sur les différentes essences peuplant les forêts algériennes encore sous domination militaire.

Sa conclusion, sur « cet arbre historique » qu'est le Cèdre, se révèle prophétique : « Il ne nous reste qu'à faire des voeux bien sincères pour qu'il soit propagé dans les forêts de France où il trouvera, sans aucun doute, une nouvelle patrie »

 

Malheureusement pour la foresterie, le 29 juin 1844, revenant de visiter les forêts de l'Eydough (13) et accompagnant le général Randon (14) avec une forte escorte nécessaire dans cette région troublée, Victor Renou, handicapé par une arthrose du genou, ne peut maîtriser son cheval emballé. Il se brise le crâne dans un ravin. Il meurt à 38 ans.

 

Mais l'affaire est lancée. Les savants s'emparent du Cèdre de l'Atlas . On ne l'utilise pas encore dans les pépinières mais, dès 1846, la Société d'encouragement pour l'industrie nationale ouvre un concours « pour la culture des arbres résineux »" et le Cèdre fait partie des essences admises à ce concours dont le premier rapporteur est Adolphe Brongniart.

 

En 1857, le botaniste Pépin, dans une controverse assez vive sur le Cèdre du Liban, n'hésite pas à dire : « Le Cèdre de l'Atlas sera d'un grand avenir pour le reboisement ; il est plus rustique que le Cèdre du Liban … »

 

II rejoint l'idée première d'Héricart de Thury.

 

(12) Le Cèdre a disparu de la foret de Mouzaïa (Boudy, 1955).

(13) Région de Bône.

(14) Le général Randon deviendra maréchal, gouverneur général de l'Algérie, puis ministre de la Guerre.

 

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Le roman du Cèdre

 

Au moment où va commencer l'aventure du Ventoux (1861-1865), des bouquets de Cèdres, sinon des massifs, existent déjà dans plusieurs régions françaises et les botanistes poursuivent leurs discussions

sur le Cedrus libani et argentea de V. Renou et estiment qu'il ne s'agit que de « sous-variétés dues à des circonstances locales » (Cosson, 1856).

 

Gabriel-Victor Renou, jeune forestier de talent injustement oublié, peut être appelé le père de la cédraie française . Cette vérité méritait un hommage particulier.

 

CÈDRE ARGENTÉ

 

9. Fleurs mâles ; 10. Branche portant des fleurs femelles ; 11. Jeune cône, huit mois après la floraison ; 12. Branche du Cèdre argenté, avec quatre cônes à l'état de maturité

(cette branche provient des forêts de l'Ouarsenis).

 

Légende d'après Victor Renou

 

Annales forestières, tome III, janvier 1844, extrait de "Notice sur les forêts de Cèdres de l'Algérie".

 

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L'ÉPOPÉE DU MONT VENTOUX

 

Les vents impétueux, sur le Ventoux dont rien n'arrête la violence, désolent la contrée » (de Ribbe, 1863)

 

1810-1852 : le maire de Bédoin et les bergers

 

Dans le paysage désertique de la montagne dénudée, traînant le boulet du parasitisme humain, un homme apparaît . Il s'appelle Eymard . II a été élu maire de Bédoin vers 1810.

 

Il regarde avec tristesse ce <, mont que la foudre laboure » (Mistral) et qui tient tête au "Maître des vents".

 

Les bois ont été follement coupés » . Des forêts, il reste « à peine une apparence » (15 . Sur les 6.300 hectares donnés par le seigneur des Baux, à peine 1 600 hectares sont vaguement recouverts de Chênes verts, de Hêtres rabougris et de Pins à crochets spontanés.

 

Le Chêne pubescent a disparu. Dans les creux de la montagne, la culture de la lavande ne rapporte guère . Tout est désolation.

 

Le nouveau maire veut arrêter le désastre : réduire et organiser le pâturage, recréer un affouage suffisant et un revenu communal par le reboisement. Le père Eymard va se battre pendant trente-huit ans pour faire revivre le Ventoux.

 

II sollicite les conseils d'esprits éclairés. Le botaniste avignonnais Requien se penche sur le problème, analyse la montagne et invente la "géographie botanique" . Ses travaux permettront un peu plus tard, en 1838, au professeur Charles Martins de Montpellier de créer, avec le Ventoux, la notion « d'étages de végétation ».

 

Grâce à ces travaux, grâce à sa ténacité, le maire Eymard obtient, par arrêté du 3 juin 1830, la soumission au régime forestier de 4.473 hectares, c'est-à-dire à peu près la totalité des surfaces pouvant être mises en valeur par la forêt.

 

De 1840 à 1848, il lutte avec son conseil municipal « pour faire adopter le principe de l'exclusion progressive des troupeaux et de la mise en réserve, chaque année, d'une certaine étendue de terrain

pour y faire des reboisements… » (16)

 

Malheureusement, Eymard père échoue dans son entreprise. Les conseillers sont tous propriétaires de troupeaux et ne veulent ni abandonner leurs privilèges, ni porter atteinte à une liberté obtenue en 1250.

 

Environ 2.500 moutons fréquentent les terrains de parcours de Bédoin et la dégradation des pacages et des sols se poursuit.

 

1852-1860 : le projet Tichadou

 

Les montagnes (de Vaucluse) étaient jadis bien boisées . Elles faisaient la richesse et l'ornement de nos contrées » (Tichadou, 1856) (17) .

 

Le vieux maire a abandonné. Il en est mort.

 

(15) "Mémoire statistique sur le département de Vaucluse en 1808".

(16) 1860 : lettre de Eymard fils au préfet.

(17) Archives Vaucluse 7 M n ' 258.

 

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Le roman du Cèdre

 

Pourtant le service forestier s'active. L'inspecteur d'Avignon, Sébastiane (18) met de l'ordre dans ces ruines forestières s'étendant du Ventoux au Lubéron . Il aménage, il arpente, borne, délimite les parcelles, fixe les quarts en réserve et obtient une révolution normale de 25 ans pour les taillis (19).

 

Le procès-verbal de reconnaissance de la forêt communale de Bédoin est établi le 4 juin 1845, par Pierre Piquemal, sous-inspecteur à Carpentras.

 

Avec le garde François Chauvillard, il précise les surfaces exactes et la qualité de la végétation de l'ensemble des terrains communaux :

 

Terrains soumis au régime forestier :

Chênes blanc et vert                 879 ha 20 a 10 ca

Hêtre                                        626 ha 68 a 10 ca

Pin à crochets                             94 ha 90 a 40 ca

Places vaines et vagues         1.958 ha 27 a 10 ca

                                             3.559 ha 05 a 70 ca

 

Terrains non soumis au régime forestier :

Hermas* et rochers à Buis    2.619 ha 31 a 60 ca

Chênes blancs                            87 ha 46 a 60 ca

                                              2.706 ha 76a 20 ca

Total des terrains communaux 6.265 ha 81 a 90 ca

 

*Hermas : sols incultes

 

L'aménagement est approuvé par le ministre des Finances le 14 septembre 1848. Le rapport ajoute avec une pointe de mélancolie : les « places vaines et vagues seraient susceptibles d'être reboisées par le moyen de semis, mais nous ne pensons pas que la commune se décide jamais à faire cette amélioration . Elle reculera toujours devant la dépense énorme qu'elle occasionnerait et la privation, pendant un temps, du parcours pour les troupeaux »

 

Heureusement, l'auteur se trompait.

En effet, François Tichadou, allié de poids, arrive en Avignon en 1852 (20). Celui-ci termine d'abord le règlement des forêts communales de la région commencé par ses prédécesseurs. Il aménage Buisson, Cadenet et Cabrières-d'Aigues.

Puis il décide de passer au stade suivant : l'amélioration des peuplements. Les inondations catastrophiques des années 1850 l'incitent à précipiter le mouvement. Le 2 août 1856 (21), il propose le reboisement de 10 000 hectares de terrains communaux sur les montagnes du Ventoux, du Lubéron, des plateaux de Vaucluse et quelques collines durantiennes.

 

Tichadou préconise des semis : d'abord des glands de Chênes blanc et vert, achetés dans le commerce, puis des graines de Pin sylvestre, Sapin et Épicéa, provenant de la sécherie impériale de Haguenau, et enfin, pour les parties les plus basses, une centaine de kilos de graines de Pin d'Alep à prendre à la sécherie d'Aubagne.

 

(18) Archives nationales F .10/6916.

(19) Les taillis non soumis étaient exploités à l'âge de 12 à 20 ans.

(20) Il succède à Poinson qui passe rapidement a Avignon entre Sébastiane et lui.

(21) Archives Vaucluse 7 M n'' 258.

 

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Le financement est simple : moitié par une taxe de pâturage, moitié par une subvention du Conseil général.

 

Déjà, le 25 février 1856 (22), Tichadou avait reçu pour les forêts domaniales, notamment le Lubéron, 27 kg de graines de Pin laricio.

 

Malheureusement, le projet est trop ambitieux. Les communes renaclent. Il manque une volonté locale.

 

L'inspecteur se contente de convaincre quelques propriétaires privés . Vers 1857, 24 hectares sont

ensemencés avec des glands de Chêne blanc et l'opération réussit.

 

Mais, en 1858, Joseph Eymard fils est à son tour élu maire de Bédoin, et dans la famille Eymard la volonté est une vertu ancestrale.

 

Il prend ses fonctions le 22 avril et immédiatement décide de reprendre en main l'oeuvre de son père.

 

Il fait équipe avec Tichadou . Il n'est pas douteux, dans cette fantastique affaire de pionnier, que l'aide du service forestier était nécessaire . Sans appui technique, sans une confiance réciproque, Joseph Eymard, isolé dans sa mairie, aurait échoué comme son père dans sa tentative . Sur ce point, le rôle de Tichadou a été considérable.

 

Dès le 16 mai 1858, le maire impose à son conseil une double délibération :

-          100 hectares de terrains non soumis au régime forestier sont mis en défends,

-          les revenus des pâturages communaux seront consacrés au reboisement.

 

Le 20 novembre 1859, il franchit une étape encore plus révolutionnaire. Il interdit le pacage du 1er avril au ter novembre sur les terrains non soumis et il demande le reboisement de toute la montagne.

 

On peut imaginer les difficultés, les obstacles que J. Eymard a rencontrés pour faire aboutir son projet : intrigues, complots, cabales, bagarres, avec les bergers et les chevriers, maîtres du Ventoux.

 

Dans le midi, terre du soleil et du vent, on n'épouse pas facilement la cause forestière.

 

En 1862, le maire Eymard écrira au conservateur des Eaux et Forêts d 'Aix-en-Provence : « pour cette cause . . . je me suis créé des ennuis terribles et des ennemis irrémédiables . . . Faites le bien dans notre pays, vous ne récolterez, pour toute reconnaissance de vos concitoyens, que l'inimitié des uns et l'insouciance des autres »

 

Bédoin devient ainsi une commune pilote et sera un exemple pour l'ensemble des massifs montagneux du Comtat Venaissin.

L'idée initiale n'a rien à voir avec le Cèdre. Il convenait de faire comprendre aux habitants que leur

intérêt immédiat était, tout en préservant l'alpage ovin et caprin dans les parties supérieures, d'améliorer leurs droits avec un meilleur affouage, et d'augmenter les revenus communaux grâce à des coupes de taillis de chênes.

 

Le Comtat Venaissin manquait tragiquement de bois et, en plus, le maire voulait stopper la dégradation de la montagne.

 

Dans cet esprit, Tichadou établit le dossier de mise en valeur :

- réintroduction de Chênes pubescents et éventuellement verts dans les « places vaines et vagues » entre 600 et .000 mètres d'altitude,

- semis de glands sur des raies de charrue distantes de 5 mètres en 5 mètres,

 

(22) Archives Vaucluse 7 M n" 257.

 

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Le roman du Cèdre

 

-          programme de 200 hectares/an,

-          maintien en terrains de parcours et en alpages d'environ 2 000 hectares dans la partie supérieure de la montagne, dont la moitié en rochers non reboisables (non soumis au régime forestier).

 

Les premiers semis semblent remonter à 1859, c'est-à-dire avant la grande loi de 1860 sur le reboisement des montagnes.

 

Déjà, depuis plusieurs années, la commune avait effectué des semis de glands de Chêne rouvre.

Elle payait les frais de culture et l'État fournissait la semence. Double concours qui promettait le succès . . . » (de Ribbe, 1862).

 

Ainsi J . Eymard, maire de Bédoin, est l'initiateur des reboisements du Mont Ventoux et François Tichadou l'auteur du projet.

 

• Truffières artificielles

 

La plupart des auteurs pensent que la trufficulture animait la pensée des reboiseurs de 1860, privilégiant les semis de glands. Seul Maury (1960) a combattu cette idée. Il a raison, mais en partie seulement.

 

Comme le Cèdre, la truffe était absente du projet . Toutefois, on ne peut s'empêcher de croire qu'une

arrière-pensée habitait l'esprit de Tichadou . Il n'ignorait pas que des truffières artificielles existaient

dans le Vaucluse et que les sociétés d'agriculture de Carpentras, d'Apt et de Vaucluse, dont il faisait

partie, accordaient depuis 1857 des médailles pour encourager cette spéculation.

 

En 1810, un sieur Talon, habitant Croagnes près de Saint-Saturnin-d'Apt, sema des glands pour améliorer la nourriture de son troupeau . Et, surprise, il récolta des truffes ! II garda le secret pendant quelques années puis, un jour, son cousin Rousseau, de Carpentras, perça le mystère et l'imita.

 

Les truffières artificielles étaient nées par hasard (Bourilly, 1909).

 

Les truffières réclamaient des lignes de glands espacées de 6 mètres en 6 mètres, pour créer la lumière nécessaire . En revanche, les semis voués au reboisement étaient réalisés plus serrés avec des lignes de 3 mètres d'écartement seulement . Ceci explique la proposition originale de Tichadou qui, sans le dire, a voulu faire d'une pierre deux coups. Les lignes sont distantes de 5 mètres, écartement intermédiaire, pour obtenir une forêt et, pendant un demi-siècle, une production de truffes.

 

Cette idée a été géniale.

 

À Bédoin, le revenu truffier de la commune est passé de 800 F/an en 1854, à 23 000 F en 1864 et 50.000 F en 1890. Les glands semés vers 1859 ont commencé à donner des truffes de 4 à 5 centimètres de diamètre en 1867.

 

1860-1865 : un nouveau venu, le Cèdre

 

• La loi de 1860 et le Cèdre

 

La loi du 28 juillet 1860 sur le reboisement des montagnes arrive au bon moment. Elle crée le déclic et permet la catalyse. Elle emporte l'adhésion des derniers opposants du conseil municipal.

 

Depuis longtemps, les forestiers réclamaient des moyens exceptionnels pour enrayer la dégradation

des sols montagnards et réduire les inondations.

 

Dès le 17 mai 1845, le directeur :général des Forêts présente un mémoire pour le reboisement de 1.218 167 hectares de terrains en montagne . C'est d'ailleurs sur cette proposition que le rapporteur du Corps législatif Chevandier de Valdrôme s'appuie pour présenter, le 9 juillet 1860, le texte du gou-

 

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vernement (23). Il fait remarquer entre autres que la loi, malgré l'important crédit de 10 millions de francs ouvert sur dix ans, n'est qu'une étape car les moyens représentent à peine le dixième des besoins.

 

Le grand intérêt de cette loi réside dans le fait qu'elle représente d'abord le premier fonds forestier national français. Des subventions, des primes, des délivrances de plants et de graines sont accordées

aux communes et aux particuliers pour les inciter à reboiser.

 

La commune de Bédoin sautant sur l'occasion a été une des premières à solliciter l'aide de l'État pour sauver une nature en désarroi.

 

Toutefois, en forestier consciencieux, Tichadou ne se contente pas de Bédoin et, le 19 septembre 1860 (24) , il présente un programme de reboisement des montagnes du Vaucluse. Il reprend son rapport de 1856. II l'adapte aux dispositions de la nouvelle loi, mais il n'a pas changé d’avis, ses propositions restent les mêmes : des glands, beaucoup de glands, des semences alsaciennes de Pin sylvestre, de Sapin et d'Épicéa et éventuellement un peu de Pin d'Alep. Rien d'autre et toujours pas de Cèdre. Il paraît seulement que l'on ait ajouté du Mélèze, mais il n'est pas certain que Tichadou soit l'auteur de cette originalité.

 

Mais la loi du 28 juillet 1860 donne aussi plus de pouvoir au service forestier. Alors, intervient Charles-François Labussière qui arrive de Clermont-Ferrand et qui est nommé, le 26 décembre 1860,

conservateur des Eaux et Forêts à Aix-en-Provence.

 

Il décide d'ajouter des résineux au programme de Bédoin. Le projet est grandiose et il y a de la place

pour d'autres essences que le Chêne voulu par la commune.

 

Il propose « la création de grandes forêts avec des essences qui n'ont eu jusqu'à présent que de rares représentants dans nos parcs et dans nos jardins » . Il ajoute du Pin d'Alep et également le Cèdre, parce que les observations déjà faites sur « du semis naturel d'un arbre plus vieux, nous portent à penser que cet arbre réussira aussi bien en massif qu'à l'état isolé », (Labussière, 1863).

Quelques Pins maritimes, laricio et d'Autriche sont seulement prévus au départ pour de très faibles surfaces, à titre d'essai.

 

Labussière s'appuie sur les conclusions de son ami et camarade de promotion Gabriel-Victor Renou, à propos du Cèdre, et son intérêt dans le reboisement des montagnes méridionales. Lui-même a eu l'occasion d'étudier le comportement de cette essence en Auvergne où il était en poste depuis 1850.

 

Toutefois, il n'est pas impossible qu'il y ait eu quelques nuances fort estimables entre l'inspecteur Tichadou, traditionnel et consciencieux, et son conservateur Labussière plus audacieux et moderniste.

 

Certes en 1856-1857, Tichadou avait semé avec succès du Pin d'Alep et quelques laricio dans la forêt domaniale du Lubéron, ainsi que deux hectares de Pin d'Alep dans la forêt communale d'Oppède, ce qui était déjà une nouveauté . Mais l'identité de vue semble s'arrêter là.

 

En effet, si l'on interroge le témoin numéro 1 de l'époque (de Ribbe, 1862), ardent défenseur des reboisements en Provence, on constate que, pour la première campagne de semis à Bédoin au printemps 1862, l'État devait fournir pour 5.145 F : 250 kg de graines de Mélèze, 100 de Sapin, 100 d'Épicéa et 50 de Pin sylvestre.

 

Ce programme correspondait aux idées des forestiers locaux. En particulier, l'histoire voulait que, jadis, le Ventoux était habillé de mélèzins, mais cela n'a jamais été prouvé.

 

(23) Les inondations catastrophiques de 1840 dans le Midi . de 1841 dans le Gard, de 1842 dans toute la France et de 1846 dans la

Loire, avaient sensibilisé les esprits . En 1848, le représentant du peuple Dufournel avait déjà présenté un projet de loi sur le reboisement

. mais la complexité du texte l'avait fait rejeter.

(24) Archives Vaucluse 7 M n" 258.

 

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Le roman du Cèdre

 

La réalité a été différente, probablement à la demande de Labussière puisque d'autres résineux ont été choisis : les Pins méridionaux, le Pin noir d'Autriche et le Cèdre.

 

En présentant le projet à l'administration centrale, Labussière propose donc d'utiliser le Cèdre de l'Atlas à titre d'essai, mais en grand. Il souhaite également tester les graines algériennes de Pin d'Alep.

 

Le conservateur voulait convaincre son directeur général. Il a réussi.

 

Celui-ci, H . Vicaire, prend les dispositions nécessaires : «  les graines demandées à l'Algérie sont celles du Pin d'Alep et de Cèdre. Dès 1861, j'ai pris des mesures pour faire récolter des graines de ces essences dans les forêts de notre colonie »

 

MM. les Généraux commandant les divisions ont bien voulu, sous la direction de son Exc. le Maréchal de France, gouverneur général de l'Algérie, me prêter le concours le plus empressé et donner aux agents forestiers l'assistance de la main-d'oeuvre militaire . Grâce à ces moyens, de notables quantités de graines ont pu être expédiées en France à des prix très modiques. (Vicaire, 1864).

 

Par ailleurs, une partie de ces graines sera distribuée à d'autres conservations pour multiplier les expériences et mieux étudier le comportement des deux essences algériennes. Carte blanche est  donnée à ce sujet à Charles Labussière.

Le 22 mars 1861, le ministre des Finances approuve le dossier de la commune de Bédoin. Le 20 octobre suivant, la commune vote les crédits et sollicite une subvention qui est accordée par l'État.

 

Les cônes de Cèdre sont récoltés par les forestiers algériens avec l'aide des militaires qui, vraisemblablement, se chargent du transport.

 

Pour la population locale, le Cèdre n'était qu'une curiosité sans intérêt.

 

En 1864, l'inspecteur d'Avignon note : « sur les terrains communaux, on n'apporte que des semis de chêne blanc et de chêne vert, à de rares exceptions près » (Bedel, 1864). En revanche, « les résineux totalisent les surfaces domaniale ».

 

Il est bon de rappeler dans quelle ambiance particulièrement difficile travaillèrent les forestiers méridionaux de 1860. Le scepticisme et la défiance animaient une population qui n'a jamais eu l'amour de l'arbre, qui ne croyait pas à la vertu de la forêt à cause d'un soleil trop agressif et qui, dans ces montagnes pauvres et sèches, ne rêvait que d'un boisseau de blé et d'un gigot de mouton pour ne

pas mourir de faim.

 

Labussière (1868) écrit lui-même pour le Lubéron, mais c'est également valable pour le Ventoux : « les plaisanteries des ouvriers employés aux premiers travaux auraient été de nature à décourager des forestiers de peu de foi ; mais . . . les succès obtenus leur ont procuré la seule vengeance qu'ils ambitionnaient »

 

Heureusement l'équipe de Labussière avait la volonté et la foi.

 

Il est prévu environ 80 % de glands et 20 % de graines résineuses (Labussière, 1868). A priori, le Cèdre est limité à 5 % de la surface, mais le Cèdre prendra l'avantage.

 

D'ailleurs à une époque où la responsabilité et l'initiative animaient encore les services, le conservateur Labussière n'a pas attendu l'arrivée des dernières signatures administratives, puisque dès octobre 1861 les cônes de Cèdres étaient déjà commandés dans les forêts algériennes.

 

Arrivés à ce point de la recherche sur le Cèdre du Ventoux, Tichadou reste pour nous un mystérieux personnage. Il a la réputation d'un agent travailleur et connaissant son métier. Fils de forestier et père de forestier, il a la fibre forestière. Il a élaboré, avec son équipe de Carpentras, le dossier de reboisement de la forêt de Bédoin, mais les présomptions s’amoncellent, tendant à faire croire qu’il n'est pas l'auteur de l'introduction du Cèdre au Ventoux.

 

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Un projet de 4.000 hectares et une expérience sur une espèce inconnue comme le Cèdre de l'Atlas méritaient qu'on en parle. Par modestie peut-être, Tichadou n'a rien publié, sauf deux pages en 1857, dans la revue de la Société agricole de Vaucluse, qui ne sont qu'un compte-rendu de jury. Ce papier montre que Tichadou et ses collègues ne s'intéressaient qu'aux semis de glands de Chêne blanc et de Chêne vert, au Châtaignier, et aux Pins d'Alep et laricio.

 

Après sa mort, son successeur à Avignon, Bedel, rend compte dès 1863 des travaux sur le Ventoux.

Il écrit également sur l'échenillage, sur l'ancien comté de Sault, sur le Chêne vert, etc.

 

De même, le conservateur d'Aix Charles Labussière traite longuement, en 1863, des semis et plantations de Cèdres.

 

Quant A Charles de Ribbe, avocat à Aix et grand défenseur de la forêt méridionale, il écrit sur tout, partout et tout le temps.

 

Aucun des auteurs ne cite le travail de Tichadou. C'est l'arlésienne du Cèdre.

 

Et pourtant, Maury (1960) est formel :  « des lettres autographes ne laissent aucun doute sur la part prépondérante prise par M. l'inspecteur Tichadou, assisté de M. de Pelissier du Grès (25) dans l'introduction et la plantation du Cèdre ». Ces lettres semblent avoir disparu, car la correspondance entre l'inspecteur et la commune ignore le Cèdre et n'évoque que les Chênes.

 

De son côté, Philibert Guinier (1955) déclare : « M. l'inspecteur Tichadou avait servi en Algérie ; c'est le « sens forestie »" qui l'a guidé dans cette introduction des Cèdres » et il ajoute « Il convient de louer son sens de l'observation et son esprit novateur ».

 

Malheureusement, pour l'instant, on n'a pas encore trouvé trace du passage de Tichadou en Algérie.

 

En revanche, Labussière joue un rôle déterminant. Il donne les directives et Tichadou exécute. Si l'on en croit les contemporains, Charles Labussière a été "l'initiateur" de la révolution du paysage forestier dans sa Conservation. Il s'est révélé également un remarquable vulgarisateur de la pensée forestière en créant, dès son arrivée à Aix, la Revue agricole et forestière de Provence.

 

M. Labussière a eu l'honneur et le mérite d'inaugurer en Provence l'oeuvre difficile du reboisement des montagnes. C'était en 1860 . . . L'administration allait jouer, pour la première fois, un rôle important dans ces contrées où elle avait été trop longtemps méconnue » (RAFP, 1869).

 

Il a beaucoup travaillé dans les forêts de Gémenos, de La Ciotat, de Peyrolles . Quant aux reboisements, aux travaux de gazonnements et de barrages dans les Alpes, le Ventoux, le Lubéron et à Aix, même dans les terrains communaux d'Arbois les « travaux exécutés sous son administration et sa direction marqueront la trace durable de son passage . . . » (RAFP, 1869).

 

Cette reconnaissance vaut un éloge . Il est le grand patron des reboiseurs de la Provence.

 

• Les cônes de Cèdre algérien

 

Les cônes algériens sont envoyés à la conservation d'Aix.

 

En 1861, celle-ci reçoit 6.240 kg de cônes contenus dans une centaine de tonneaux. L'envoi représente 208 hectolitres, soit environ 890 kg renfermant 8 900 000 graines.

 

De quelle forêt venaient ces semences ?

 

L'hypothèse de provenance la plus vraisemblable est la région algéro-ouarsenienne. Si l'on suit l'évolution de la conquête, seule cette province était organisée par le service forestier et par l'armée.

 

(25) Jean Jules Armand Donnadieu de Pelissier du Grès (1829-1903 ?) n'a guère pu assister Tichadou, car il a été nommé sous-inspecteur à Carpentras en 1863 . C'est-à-dire après la mort de celui-ci . Les collaborateurs de Tichadou, à Carpentras, ont été : Robert

(1850-1855?), Roman (1855 ?-1861) et Charil-Desmazures (1862-1863).

 

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Le roman du Cèdre

 

En 1843, Gabriel Renou n'avait réellement étudié que la forêt de Mouzaia, près de Blida. Il ne connaissait les Cèdres de Sétif et de l'Ouarsenis que par les renseignements qu'il avait glanés auprès des militaires ou des indigènes . Les échantillons envoyés en France avaient dû être récoltés dans ce massif de 3 855 hectares qui s'étage de 400 à 1 605 mètres d'altitude et où le Cèdre était en mélange avec le Chêne vert et le Houx.

 

Mais la forêt de Mouzaia, assez proche d'Alger, a été rapidement surexploitée. Les Cèdres ont disparu et il est possible que, vingt ans plus tard, seule la forêt du Mont Ciga, à 2 km à l'ouest de Teniet-el-Haad dans l'Ouarsenis, ait été capable de fournir des semences destinées au Mont Ventoux.

 

Cette forêt dite "des Cèdres" (3.617 ha) comprend 1.500 hectares de cédraie, pure ou en mélange avec le Pin d'Alep, situés entre 1 350 et 1 787 mètres d'altitude . Considérée comme la plus belle forêt algérienne, elle a été classée "forêt artistique" dans le périmètre d'un « Parc national renforcé »

 

Par la suite, cette forêt a exporté beaucoup de semences de Cèdres vers la France (26).

 

La récolte ayant lieu en octobre, ces cônes ont dû arriver à Bédoin au début de janvier 1862. Ils ont été répandus sur une épaisse couche de neige. Ils mettent dix à quinze jours pour s'ouvrir dans l'humidité hivernale de la Provence.

 

Labussière (1863) note que les tonneaux algériens renferment deux variétés de Cèdres : Cèdre vert et Cèdre argenté.

 

Pour lui, comme pour Renou, le Cèdre vert a des aiguilles plus longues, des cônes plus gros et surtout plus durs et plus difficiles à ouvrir (27).

 

La récolte des graines n'est pas aussi facile qu'on pouvait le croire. Le trempage dans l'eau, pendant deux à trois jours, est souvent nécessaire et il faut fréquemment briser les cônes à coup de marteau.

Il est fait appel pour ce travail aux militaires.

 

L'année suivante, en 1862, les tonneaux de cônes totalisent 12.505 kg et, cette fois-ci, la récolte des graines est réalisée par des femmes recrutées localement.

 

Au total, 1.745 kg de cônes qui donnent 625 hectolitres, 2 687 kg de graines et 268 millions de

graines, et probablement 300 tonneaux.

 

En fait, ce n'est pas une expérience d'introduction de Cèdres mais une opération d'envergure.

Toutefois, conformément aux instructions reçues, seuls 14 377 kg sont réservés au Vaucluse.

Les 4 368 kg restant sont envoyés à d'autres conservations.

 

On connaît quelques destinataires, mais la liste n'est certainement pas exhaustive (28) :

-          Vaucluse :

Mont Ventoux, forêt communale de Bédoin ;

 

Monts du Vaucluse, forêts communales de Cabrières-d'Aigues et de Cabrières-d'Avignon ;

Lubéron, forêt domaniale de Petit Lubéron, forêts communales d'Oppède, de Ménerbes, de Bonnieux, de Lacoste.

 

(26) Renseignement fourni par Jean Fardé.

(27) D'après E .F . Debazac : "Manuel des conifères" (2e édition), le genre Cedrus comprend actuellement 4 espèces (mais on n'en est

pas encore complètement certain), trois méditerranéennes et une asiatique : Cèdre de l'Atlas (Cedrus atlantica Manetti) : aiguilles

courtes (moins de 25 mm) et cônes petits (5 à 8 cm de long) ; Cèdre du Liban (Cedrus libani G . Don) : aiguilles plus longues (15 à

35 mm) et cônes plus gros (7 à 10 cm de long) ; Cèdre de Chypre (Cedrus brevifolia Hook F .) : aiguilles très courtes (moins de 15 mm)

et cônes petits (moins de 7 cm de long) ; Cèdre de l'Himalaya (Cedrus deodara Loud .) : aiguilles très longues (30 à 50 mm) et cônes

longs (7 à 12 cm de long).

Contrairement à l'opinion de Renou et de Labussière, la couleur des aiguilles vertes ou glauques n'est pas un critère suffisant pour

distinguer les espèces . De nombreuses variétés ornementales existent.

(28) D'après Putod (1972), Toth (1970), Labussière (1863), Ribbe (1863) et de Monchy (1926).

 

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- Alpes-de-Haute-Provence :

 

Périmètre de Seyne, forêt domaniale de Travers de la Colle, forêt communale de Sisteron, forêts privées de Reillanne et du Prieuré d'Ardennes.

 

Le 5 février 1862, Labussière envoie à La Seyne un lot de cônes qui donne 126 kg de graines et 13 sacs et demi de cônes (29) difficiles à ouvrir. Le tout est immédiatement répandu sur la neige avec succès . Il y a un doute pour le prieuré d'Ardennes à Saint-Michel-l'Observatoire. Les sept semenciers gigantesques de ce prieuré sont réputés venir du Liban, mais ils sont de la même année que ceux de Vaucluse et à l'époque les Cèdres verts d'Algérie sont appelés Cèdres du Liban. Saint-Michell'Observatoire est fort proche du Ventoux. La provenance est probablement la même d'autant qu'ils n'ont pas la forme tabulaire de la cime.

 

- Aude :

 

Forêt domaniale de Rialsesse.

 

Tichadou, originaire de Limoux, n'est sûrement pas étranger à ce choix. « Le rôle joué par Tichadou

dans cette introduction est transparent » (Toth, 1970).

 

Quelques bosquets sont également issus de ces graines dans certains centres de la Montagne Noire.

 

- Auvergne :

 

Labussière n'oublie pas non plus qu'il a été en poste à Clermont-Ferrand de 1850 à 1860, où il a vu prospérer quelques Cèdres sur le Puy de Dôme . II a d'ailleurs reçu la Légion d'honneur des mains de Napoléon III pour les 120 hectares par an qu'il a reboisés dans ce département. Il envoie donc des cônes de Cèdres, à titre d'essai, pour le chantier de quelque 400 hectares du Puy de Monchier et du Puy d'Allagnat.

 

• Le Cèdre qui lève

 

Sur les pentes du Mont Ventoux, l'année 1861 est consacrée à la création de pépinières car on ne sait pas s'il vaut mieux planter ou semer.

 

Toutefois, en février ou mars 1862, des semis sont effectués sur un replat du canton de Mauvallat anciennement cultivé (probablement en lavande).

 

Le garde forestier Conil dirige les opérations. Pour ne rien perdre, il répand en plus 16 sacs de débris de cônes ainsi que ceux non ouverts et qui n'avaient pu être brisés. Quelques-uns sont également enfouis dans un coin des nouvelles pépinières.

 

L'année suivante, le reboisement est poursuivi avec les plants issus des pépinières, mais les forestiers

locaux préfèrent les « semis à demeure ».

 

Au total, pour les Cèdres, les travaux portent sur une surface de 55 à 60 hectares, à quelques 800 mètres d'altitude : une dizaine d'hectares en massif plein à Mauvallat, le reste plus ou moins disséminé, plus ou moins en mélange avec le Chêne blanc et des Pins (30)

 

Partout, semis et plants d'un an ont magnifiquement levé . Début septembre 1863, H . Vicaire, directeur général, visite le chantier et, sur le terrain, nomme brigadier le garde Conil . Il passe également au Lubéron.

 

Pour cette forêt domaniale, Vicaire (31) écrit ceci : « Le Pin d'Alep et le Cèdre de l'Atlas, notamment, ont réussi d'une manière remarquable. À celui qui a vu les semis du Lubéron, aucun reboisement ne doit plus paraître impossible ». II est vrai que les conditions du sol étaient particulièrement pénibles.

 

(29) 15 à 20 000 cônes.

(30) Cette répartition hétérogène explique au moins partiellement aujourd'hui, parmi les premiers semenciers, la présence d'arbres bas

branchus.

(31) Compte-rendu de sa tournée au ministre des Finances (Le Moniteur, 20 février 1864).

 

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Le roman du Cèdre

 

En revanche, pour le Ventoux -  est-il passé trop vite ? -  il ne remarque que les Chênes. Il ne semble pas avoir vu les Cèdres du canton de Mauvallat, c'est dommage !

 

Les efforts de la commune de Bédoin ont été estimés si considérables et exemplaires que, la même année, la Société impériale et centrale de l'Agriculture (32) a accordé à son maire sa grande médaille d'or, c'est-à-dire sa plus haute récompense.

 

Dans une lettre remarquable au conservateur Labussière, le maire J. Eymard écrit le 10 avril 1862 : «  - Ce que vous faites pour la commune, M . Le Conservateur, est trop au-dessus de l'intelligence vulgaire pour que, en ce moment, ses habitants puissent en apprécier tout le mérite, mais plus tard quand nos populations commenceront à en goûter les fruits, on reconnaîtra que, sans votre intervention, jamais notre pays n'aurait joui d'un si grand bienfait ».

 

De l'automne 1861 au printemps 1864, on reboise (33) :

 

-          447 hectares en Chêne, avec succès,

-          384 hectares en résineux, avec réussite incomplète,

soit 831 hectares.

 

Les reboisements par semis ont commencé par les terrains les plus faciles, anciennes cultures abandonnées, pouvant être charrués par bandes.

 

Fin 1867, 1.927 hectares communaux de Bédoin sont, au total, mis en valeur. Toutefois, « on a définitivement adopté le procédé de culture par potets ayant au moins un mètre de côté, profondément défoncés et dans chacun desquels on répand 100 à 125 glands. L'expérience a prouvé que, placés dans ces conditions, les jeunes sujets supportent mieux les ardeurs du soleil et les rigueurs du froid » (Labussière, 1868).

 

La commune de Bédoin ayant épuisé ses ressources ne se décourage pas . Elle est autorisée à emprunter pour achever le reboisement prévu de 4 000 hectares. Le prix de revient n'a pas dépassé 54 F par hectare. L'apport de l'État a été de 60 %, y compris la valeur des graines ; celui du département : 6 %.

 

-          Bien que la réussite du Cèdre ne paraisse plus douteuse, cette essence n'a jamais été introduite qu'en mélange avec le Pin d'Alep qui se trouve dans sa région naturelle » (Labussière, 1868). Le directeur général Henri Vicaire confirme, dans son rapport de 1864 : « Le Cèdre de l'Atlas a donné dans plusieurs régions de très beaux résultats. L'Administration se propose de propager cette essence qui paraît devoir s'acclimater facilement dans les montagnes du midi ».

 

Malheureusement, Vicaire meurt en 1866 et, comme les prédécesseurs ont toujours tort, le Cèdre qui, déjà sur le Ventoux s'étend sur 150 hectares, est abandonné (34). Essence « qu'on prétendait inférieure aux résineux indigènes et qu'on accusait de fournir un bois de petite valeur » (Hickel, 1932).

 

Les travaux se poursuivent avec Chênes et Pins divers. En 1897, le Hêtre fait son apparition dans les plantations, notamment à 1 150 mètres d'altitude, en sous-étage de Pins noirs âgés de 30 ans.

Le chantier de la forêt communale de Bédoin a été déclaré comme terminé en 1936.

 

(32) Académie d'Agriculture de France.

(33) Rapport du sous-inspecteur Fortier à Carpentras . Toutefois, il convient de n'accepter ces chiffres que comme des ordres de grandeur, car ils varient d'une plume à l'autre . Par exemple, le directeur général des Forêts précise dans son compte-rendu au ministre

des Finances : en ce qui concerne la forêt communale de Bédoin, il a été fait, en 1863, 447 ha de semis nouveaux dont 150 ha en résineux au printemps . et 297 ha en chêne à l'automne.

(34) « 11 faut semer ta graine de Cèdre dés sa sortie du cône„ (Chaudey, 1927) . C' est ce qui a été fait . Par la suite . les errements administratifs et la lenteur des décisions expliquent en partie les échecs ultérieurs . Par ailleurs, Demontzey préférait la plantation, qui

convient mal a la puissance pivotante des radicelles de jeunes Cèdres, surtout quand elles sont nues.

 

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M. COINTAT

 

PLANS DE LA FORÊT COMMUNALE DE BÉDOIN (VAUCLUSE)

 

Répartition des essences principales à 150 ans de distance (1845 et 1995)

 

Peuplements de 1845

 

Ces cartes ne sont qu'indicatives :

- en 1845, l'auteur de l'aménagement n'a indiqué que les surfaces et les noms des cantons sans limites précises . Par ailleurs,bplusieurs lieux-dits ont disparu des mémoires ;

- en 1995 . l'importance des reboisements et les exploitations ont donné des peuplements fort mélangés . On ne peut retenir que quelques essences dominantes :

• Le Chêne : l'yeuse occupe les parties basses, mais le Chêne blanc a tendance à s'infiltrer avec l'amélioration des taillis . De même, des Pins d'Alep et des Pins maritimes parsèment les coteaux inférieurs à 600 mètres.

• Le Cèdre : il s'étend et s'étendra toujours s'il est convenablement protégé . Il déborde largement l'aire portée sur la carte . Mais, en dehors, lors de sa colonisation des peuplements voisins, il est encore très disséminé.

• Le Pin noir : au départ. on le semait ou plantait partout. II cède peu à peu la place à des essences plus nobles, dont le Cèdre.

• Le Hêtre et le Pin à crochets : malgré les efforts réalisés, n'ont en fait guère changé de place depuis 1845.

• Le Pin sylvestre a été porté à titre indicatif ; en fait, il a débordé de la forêt voisine située sur le versant nord du Mont Ventoux.

Cèdre

Chênes blanc et vert

Hêtre

Pin noir

Pin à crochets

Pin sylvestre

Vides

 

Peuplements actuels

 

O Bédouin

 

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Le roman du Cèdre

 

Les difficultés d'un succès

 

Bédoin est une commune qui a toujours su faire parler d'elle. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, elle était réputée par ses glacières naturelles du Ventoux qui alimentaient Avignon et Marseille.

 

Sous la Terreur, un arbre de la liberté, arraché par des royalistes pontificaux, aboutit à un procès retentissant « l'affaire de Bédoin »" qui se termina par 63 têtes coupées.

 

En 1860, la renommée du miel du Ventoux n'est plus à faire, 1.500 « ruchées d'abeilles » dans de vieux troncs évidés sont installées dans le canton de Mormoiron et appartiennent à une trentaine d'apiculteurs.

 

À la fin de 1870, et sans l'avoir voulu, elle devient la première commune truffière de France, avec « La truffe du Comtat ».

 

Enfin, depuis 130 ans, elle possède la plus grande cédraie française.

 

En 1869, Charles-François Labussière peut quitter la tête haute la conservation d'Aix.

 

En 1885, le maire Joseph Eymard meurt satisfait. Il avait réalisé son rêve. D'ailleurs, cette même année, soit 23 ans après le début du chantier, les premiers semis naturels de Cèdres naissent dans le canton de Mauvallat . Les jeunes Cèdres partent à la conquête de la montagne.

 

Mais ce n'est pas suffisant pour effacer le scepticisme ambiant.

 

Même F. Tessier (1900), excellent forestier et disciple de Flahault, malgré une louange de bon aloi « véritables massifs », « en santé parfaite », peuplements « extrêmement vigoureux », « se repeuplent naturellement", ne croit pas à l'avenir du Cèdre sur le Ventoux : « néanmoins, rien jusqu'à présent, ne le désigne comme devant être employé dans les travaux ultérieur ». En réalité, ce Cèdre n'avait besoin de personne, il s'est « employé » tout seul.

 

Il faut attendre les observations et les publications de Brun en 1922 et de Monchy et Reynier en 1926 pour affirmer que le Cèdre de l'Atlas a conquis définitivement les esprits et les pentes pierreuses duVentoux.

 

Brun écrit sur les Cèdres : « leur prodigieuse fécondité et le tempérament des jeunes plants leur assurent la prédominance future ». Il ajoute émerveillé, « un semis naturel aussi serré que le gazon d'une pelouse ».

 

Le jugement de Monchy et Reynier est encore plus solide : « le Cèdre de l'Atlas . . . constitue (dans l'inspection d'Avignon) l'essence par excellence des reboisements . . . la propagation . . . est nettement indiquée . . . dans les maigres taillis de chênes blanc et vert de la région provençale ». « Le Cèdre contribue à la beauté du paysage ».

 

Hickel, le grand spécialiste des exotiques, dit en 1932 : « les Cèdres du Ventoux constituent aujourd'hui un peuplement splendide qui se régénère copieusement, éliminant progressivement les pins, et dont le bois est fort apprécié des marchands de bois ».

 

Soixante ans ont été nécessaires pour rendre hommage au malchanceux Renou, à l'énigmatique Tichadou et au discret Labussière.

 

Personne n'avait cru à la déclaration du botaniste Charles Martins qui, visitant les premiers semis de Cèdres dès 1866, écrivait : « Cette essence prospère à merveille, sur un espace de 10 hectares toutes les graines ont levé et nos arrière-neveux verront peut-être un jour, sur les flancs du Ventoux, un sombre bouquet de Cèdres comme ceux qui ombragent çà et là les pentes du Liban, de l'Atlas et de l'Himalaya ».

 

La consécration officielle viendra en 1955 de Philibert Guinier - ce qui n'est pas peu dire - qui conclut sur le Cèdre du Ventoux «  La preuve est amplement faite. Il est possible, dans des condi-

 

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tions déterminées, de trouver une essence exotique capable de se substituer aux essences autochtones, de former une forêt stable et de plus productive. On aboutit à un véritable climax d'origine artificielle »

 

On peut longuement gloser sur cette conclusion de Guinier. En fait, le Cèdre n'est pas une essence exotique. En effet, les glaciations quaternaires ont chassé de nombreuses essences de la forêt française, comme le Cèdre, le Platane, le Micocoulier, le Robinier, etc . (35).

 

Le Würmien, en particulier, a écoeuré les espèces les plus sensibles au froid . La barrière maritime de la Méditerranée, les empêchant de fuir vers des cieux plus cléments, leur a donné le coup de grâce.

 

Le Cèdre est seulement un exilé du froid qui revient au bercail après une longue absence. Il ne se « substitue » pas aux autres essences autochtones, mais il complète les maillons de l'évolution naturelle.

 

Il ne crée pas un climax « d'origine artificielle ». II réinstalle un climax oublié, massacré par les glaciers et interdit de séjour par la mer Méditerranée.

 

Retenons seulement le tampon du satisfecit.

 

Épilogue d'un roman

 

« La vérité est ce qui est »

(Saint-Augustin)

 

En 1873, 2.483 hectares de la forêt communale de Bédoin ont été parcourus par les reboisements.

Le financement a été de 32 % pour la commune, 10 % pour le département et 58 % pour l'État.

 

Les Chênes représentaient 78 % de la surface, les Pins 10 % et le Cèdre à peine 5 %.

 

Malgré cela, le Cèdre a essaimé partout.

 

Arrêtées en 1865, les plantations de cette essence ont repris à partir de 1922, à petites doses.

Toutefois, 30 hectares ont été plantés en 1936 dans le vallon de l'Escalier.

 

Les quelque 50 hectares de 1862 sont devenus 400 en 1970. On en est à la quatrième génération naturelle et, poursuivant sa marche, il colonise aujourd'hui plus de 1.000 hectares.

 

En 1945, un incendie a détruit 20 hectares de Pin noir à 1.200 mètres d'altitude. En mars 1948, le peuplement a été remplacé par des semis en potets de Cèdre. Malgré la froidure de l'hiver, le succès est toujours le même.

 

Après le stade du Pin noir d'Autriche, le Cèdre est bien le maillon qui manquait dans l'évolution de

la forêt méditerranéenne pour constituer une forêt durable en équilibre.

 

Comme dans toute aventure forestière, où le temps joue un rôle déterminant, le reboisement au Mont Ventoux ne peut être l'oeuvre d'un seul homme. Le Cèdre algérien a trouvé une « seconde patrie » grâce aux efforts d'au moins cinq personnes : deux maires volontaires, patients et courageux, les Eymard père et fils, un jeune pionnier malchanceux Gabriel-Victor Renou, un forestier consciencieux François Tichadou et un conservateur dynamique Charles Labussière.

 

(35) Résultats de l'étude des pollens dans les tourbières (palynologie), de l'examen des graines dans les sédiments (carpologie) et de l'analyse des charbons de bois dans les foyers préhistoriques (anthracologie).

 

522

 

Le roman du Cèdre

 

L'AVENIR DE LA CÉDRAIE FRANÇAISE

 

« Le Cèdre appelle le Cèdre »

(B . Lepoutre)

 

Parmi les cédraies antérieures à 1914, et en plus des semis de 1862-1865, il convient de citer entre

autres :

-          1865-1880 : la Montagne Noire (Aude), l'Aigoual, le périmètre de la Cèze (Gard)

-          1872 : la forêt privée de Riez (Alpes-de-Haute-Provence)

-          1873 : la forêt domaniale Le Bousquet (Alpes-de-Haute-Provence)

-           1877 : la forêt domaniale de Castellane (Alpes-de-Haute-Provence)

-          1880 : les Cèdres de la forêt communale de Saint-Étienne-les-Orgues (Alpes-de-Haute-Provence)

-          1882 : les forêts domaniales Le Vernet et de Beaujeu (Alpes-de-Haute-Provence)

-          1913 : les 300 hectares du Rialsesse (Aude).

-           

De même, les bouquets de Cèdres introduits entre 650 et 1 100 mètres sur le versant nord du Ventoux au XX e siècle (forêts domaniales de Malaucène et de Beaumont) se portent fort bien.

 

Actuellement, l'inventaire forestier national affiche, pour la France entière et pour les peuplements significatifs : 15 029 hectares de cédraies réparties dans 15 départements, dont 4 202 hectares pour la région Provence-Côte d'Azur et 9 158 hectares pour le Languedoc-Roussillon.

 

Les possibilités d'extension, sans grand risque d'erreur, peuvent être évaluées pour l'ensemble de notre pays à 300.000 hectares (36) , ce qui est considérable

.

Cédraie du Mont Ventoux (Vaucluse).

 

 

Série de Rolland

 

Photo MOTTE - Collection ENGREF - Nancy

(36) Pour Michel Bariteau

Provence-Alpes-Côte d'Azur : 125 000 hectares

Languedoc-Roussillon : 110 000 hectares.

 

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Ce n'est pas un hasard si, depuis quelques années, les dossiers de reboisements réservent une place de choix (37) à ce vieil exilé qu'est le Cèdre et qui s'intègre merveilleusement dans les paysages par sa puissance, sa qualité et sa beauté. Le Cèdre respire la santé, il résiste souvent avec succès aux incendies, le parfum de son bois fait fuir les mites et il embellit collines et montagnes.

 

Comme arbre d'ornement on le rencontre partout en France . Il déborde avec succès de son aire réputée naturelle (étage du Chêne pubescent 400 à 1 000 mètres) au nord, au sud, en plaine et en montagne.

 

De 1963 à 1966, près de 97 hectares en Cèdres provenant du Lubéron ont été introduits dans la forêt domaniale de Montclar (Lot) . Sur le Causse du Quercy, il fait l'objet de soins attentifs (CTGREF, 1973).

 

La région de l'Uzège (Gard), royaume du Chêne vert, mérite d'être citée.

 

Le premier Cèdre a été planté en 1891, dans la forêt domaniale de Valbonne (Gard) à 300 mètres d'altitude, face au décor prestigieux de la vallée du Rhône et du Mont Ventoux. Par sa puissance, ce Cèdre est insolent.

 

Et c'est un garde des Eaux et Forêts, Alméras à Saint-Laurent-la-Vernède, qui de 1938 à 1949 a pris l'initiative de planter chaque année des Cèdres dans les garrigues communales des alentours à 200 mètres d'altitude. Les magnifiques bouquets de Cèdres qui existent un peu partout dans le secteur sont ses enfants.

 

Depuis, en 1935, une trentaine d'hectares ont été plantés sur le plateau à Buis et Kermès de Belvezet, près d'Uzès. Les premiers cônes ont apparu en 1978 et l'on trouve aujourd'hui le Cèdre disséminé sur 150 hectares. Qui l'eût cru ?

 

En fait, Gabriel-Victor Renou avait raison en déclarant en 1844 que le Cèdre de l'Atlas pouvait aussi prospérer à Paris. Il suffit d'aller admirer le bouquet de Cèdres des jardins Albert-Kahn, en limite des logements forestiers de l'avenue du Quatre Septembre à Boulogne-Billancourt, pour se convaincre

de l'énergie exceptionnelle de ce grand seigneur de l'Atlas, espoir des forêts de demain.

 

M. COINTAT

 

Ancien ministre

Président de l'Académie d'Agriculture de France et de la Société nationale d'Horticulture de France

84, rue de Grenelle

F-75007 PARIS

(37) Environ 800 ha/an.

 

524

 

Le roman du Cèdre

 

SOURCES (38)

 

Archives nationales

Bibliothèque de l'Académie d'Agriculture de France

Bibliothèque de l'Assemblée nationale

Bibliothèque de I'ENGREF à Nancy

Bibliothèque de la Société nationale d'Horticulture de France (SNHF)

Bulletin de la Société d'Agriculture et d'Horticulture de Vaucluse (1860-1865), tomes IX à XIII

Inventaire forestier national

 

BIBLIOGRAPHIE

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RENOU (G .-V.) . Forêts de l'Algérie . Découvertes nouvelles . — Annales forestières, t . II, 1843, pp . 159-161.

RENOU (G .-V.) . — Notice sur les forêts de Cèdres de l'Algérie . — Annales forestières, t . III, janvier 1844, pp . 1-7.

RENOU (G.-V .) . — Aperçu et notice sur les forêts et les arbres forestiers de l'Algérie . — Nancy, 1844 (Manuscrit conservé à I'ENGREF).

RIBBE (Ch . de) . — Le Concours des communes dans l'ceuvre du reboisement . — Revue d'Agriculture et d'Horticulture de Provence, 1862, p . 361.

(38) Avec mes remerciements à tous les responsables et en particulier à Marie-Jeanne Lionnet, Andrée Corvol-Dessert et Jean Pardé.

 

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M. COINTAT

 

TESSIER (F .) . — Le Versant méridional du Massif du Ventoux . — Revue des Eaux et Forêts, 1900, pp . 65-84, 97-106, 129-140.

Tichadou, notice nécrologique . Revue des Eaux et Forêts . 1862, pp . 281-282.

TICHADOU (F .) . — Travaux de reboisement . Bulletin de la Société agricole et horticole de Vaucluse, 2 novembre 1857,

p . 420.

TOTH (J .) . — Plus que centenaire et plein d'avenir : le Cèdre en France . Revue forestière française, n° 3, mai-juin 1970, pp . 355-364.

VICAIRE (H .) . — Récompenses à décerner pour le reboisement des montagnes (Société impériale et centrale d'Agriculture de France) . — Annales forestières, tome II, 1863, pp . 65-69.

 

Nota : L'auteur tient une bibliographie plus complète à la disposition de tout lecteur.

 

LE ROMAN DU CÈDRE (Résumé)

 

L'introduction du Cèdre en France représente une belle aventure.

Le Cèdre du Liban orne les parcs de sa puissance depuis 1734. Le Cèdre de l'Atlas a été utilisé dans les reboisements dès 1842.

La plus grande cédraie française est celle du Mont Ventoux (Vaucluse) dont les premiers semis remontent à 1862.

Longtemps mal aimé, cet arbre a été l'objet de controverses. Il a fallu presqu'un siècle pour en reconnaître les qualités techniques,  sylvicoles et esthétiques.

Le Cèdre de l'Atlas se plaît surtout sous le climat méditerranéen, dans l'étage du Chêne pubescent, mais il est capable de pousser partout dans notre pays, avec un succès étonnant.

Il colonise déjà plus de 15.000 hectares . Ses possibilités d'extension sont de l'ordre de 300 000 hectares. On en plante 800 hectares par an, sans compter sa puissance de régénération naturelle.

Le Cèdre est incontestablement un arbre d'avenir.

 

THE STORY OF THE CEDAR (Abstract)

The introduction of the cedar in France is a fascinating tale.

The cedar-of-Lebanon has towered majestically in parks since 1734 . The cedar of Atlas was used for reforestation purposes as early as 1842.

The largest cedar plantation in France is located in the Mont Ventoux (Vaucluse) where the first cedar seeds were sown in 1862.

For a long time, the cedar was disliked and controversial . It took nearly a century for its value for both forestry and ornamentation to be recognized.

The cedar of Atlas is most comfortable in the Mediterranean climate in the growth belt of the pubescent oak . but it is capable of growing anywhere in our country with surprising success.

It already covers more than 15 000 hectares . Its potential for extension is in the region of 300 000 hectares . 800 hectares are planted every year, not counting its natural regenerative power.

The outlook for the cedar is undoubtedly rosy.