Le cinéma Formento

Le cinéma Formento

Vous souvenez vous de lui ?
Le cinéma Formento se trouvait
dans une rue qui ne portait pas de nom ou alors le nom avait été oublié.
D
ans une rue qui faisait face au Monument, tout en haut à gauche, au carrefour de la rue de Taza.
Au-dessus de la pharmacie Garcin. Sur le même trottoir.
Il était vieux, pas trop entretenu, mais il nous a donné tant de plaisir !
Comment parler de notre approche du cinéma à cette époque ?
Dans les années 60, le cinéma avait encore son côté usine à rêves.
Nous ne possédions pas de sens critique et de toute façon, nous n'avions pas la culture pour le faire. Et chez Formento il ne passait quasiment que des séries B.
Mais c'est là que j'ai rencontré Gary Cooper, Dawn Adams, Dean martin, Jerry Lewis, John Wayne, …
Comme disaient les Algériens, on rentrait dans le film. Vous allez rire, mais cette expression était vraie, tant chez Formento le film était dans la salle, parmi nous, au milieu des cris, des chuchotements, de l'odeur des cacahuètes.
Nos yeux étaient embrumés par de longues écharpes de fumée de cigarettes.
Le cinéma, c'était sortir de notre réalité parfois cauchemardesque, étroite, voire mesquine et vivre, pendant quelques heures, dans la peau d'un héros couvert de baisers de femmes que l'on savait inaccessibles !
C'est là également que j'ai découvert la Nouvelle Vague et Truffaut. Je me souviens avoir été atteint profondément par le changement qu'apportait cette nouvelle façon de filmer la jeunesse. Gérard Blain, JC Brialy et d'autres s'insinuaient dans notre romantisme un peu glauque.
J'ai rêvé et j'ai même poursuivi les rêves en dehors du cinéma.
Le rêve, s'il ne m'a pas sauvé la vie, il m'a empêché de toucher le fond.
Encore aujourd'hui je rêve.
Même quand j'écris c'est encore du rêve pour ne pas mourir.
Le cinéma Formento c'était également un lieu social ou se mélangeaient Français (si peu) et Algériens. Les Français de Téniet préféraient le ciné du Foyer rural.
Je reprochais justement à cet endroit de ne pas être un vrai cinéma même si la qualité et la convivialité étaient présentes, grâce à Mme et M. Fernandez.
Le cinéma Formento a été le lieu magique de ma courte vie à Téniet. J'aurais volé l'argent pour y aller !
Les entractes se passaient à l'extérieur, dans la rue où les commentaires fusaient dans un sabir qui aurait fait rire Michel Audiard.
C'était populaire, joyeux, parfois dangereux mais toujours dans nos moyens.
Quand les portes s'ouvraient, on avait l'impression d'émerger d'un autre monde.
La cabine était accessible par un escalier extérieur en fer et je crois que le projectionniste avait une jambe de bois ; ai-je rêvé ce détail ?
Je regrette ce temps de l'innocence où le paraître n'avait aucune importance.
Où comprendre le fond d'un film ne présentait aucun intérêt ; seule la distraction comptait.
Notre imagination nous emportait sur des chevaux blancs aux naseaux fumants.
Nous ressentions la même peur que les héros et le lendemain nous avions les mêmes épées avec les mêmes dialogues où il manquait des mots.
Après le film, je rentrais à la maison au fond d'une diligence ou bien poursuivi par une bande d'indiens.  Mais heureusement, Tarzan veillait en haut d'un platane !
Le rêve vous-dis-je !
Qu'importe nous étions heureux dans un monde qui ne l'était presque plus.


Le cinéma Formento se trouve en haut de la rue
Photo prise par moi en 1974



Francis Roch
Septembre 1993


19/02/2012
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